14 décembre 2009

En direct de Copenhague...


Vivre à Lund c'est aussi bien pour passer par la capitale danoise, et par ces temps-ci il pourrait ne pas vous avoir échappé qu'un certain sommet international y a lieu, assez tourmenté semble-t-il, qu'il s'agisse des mouvements de protestation à proprement parler ou des tensions diplomatiques entre groupes d'intérêts, pays en voie de développement, Union européenne, Chine et Etats-Unis en particulier.


J'ai manqué de peu la confrontation violente entre forces de l'ordre et manifestants en assistant, samedi, au mouvement collectif. Des casseurs se sont introduits dans la foule, et surgissaient à l'improviste pour démolir quelques malheureuses vitres, parait-il, avant que la police ne décide d'arrêter tous ceux qui étaient présents, avec 968 personnes interpellées notamment, si j'en crois le journal Le Monde. C'est ce qu'on appelle une ambiance chaleureuse.


Les slogans sont parfois très différents en danois, par exemple l'un deux était "Antikapitalista!" au lieu d'"Anticapitalisme!", ce qui montre bien la profonde diversité des idées politiques à travers le monde. Une bonne expérience linguistique en tout cas.


Souhaitons juste que le sommet ne s'achève pas dans l'apathie, les pays en voie de développement venant de se retirer des négociations, en signe de protestation, eu égard aux positions actuelles prises en ce qui les concerne -financement à horizon de trois ans seulement-. Expect the change, not the statu quo.

9 décembre 2009

Plaidoyer pour une semestrialisation réelle en France.


A observer le fonctionnement universitaire en Suède, une des différences frappantes tient à la semestrialisation, terme technique renvoyant non pas à un découpage de l'année académique en deux années tel qu'on le concevrait spontanément en France, mais à une organisation fondée sur une unité semestrielle, le semestre étant en gros la moitié d'une année normale.


Reprenons les choses pour être clair. Il y a encore peu de temps, avant 1998 et les négociations du processus de Bologne, aucune unité de mesure commune n'existait au plan de l'enseignement supérieur européen. Titulaire de sa maîtrise de droit des affaires, M.Dupont pouvait donc difficilement s'exporter dans un autre pays, ou en tout cas avec moins de facilité que dans un système harmonisé. Or c'est précisément l'intention des gouvernants dans la fin des années 1990: on souhaite une harmonisation européenne, exprimée en crédits européens -ECTS- et fondée sur l'unité semestrielle, dans l'espoir de développer mobilité et européanisation des études.


12 années plus tard, je remarque surtout qu'en France l'instauration du système est faite de travers. Pour le pire ou le meilleur sans doute: on préserve peut-être la difficulté qui est la nôtre et qui pare nos diplômes d'un certain prestige dans l'imaginaire collectif international, mais on va certainement contre une souplesse pratique qui me semble très souhaitable. Concrètement, quand un étudiant signe son inscription universitaire, il s'engage pour une année. Ceci parait absurde dans un système où l'unité est le semestre, il faudrait, dans un souci de cohérence, s'engager pour un seul semestre. Ici en Suède les étudiants s'inscrivent où ils veulent. Par exemple un semestre à étudier l'espagnol, puis un semestre l'anglais, puis ils décident de voyager un peu avant de reprendre un semestre d'anglais quelques mois ensuite, bref leur liberté est réelle. Pensons aussi au taux d'échec retentissant en première année, sans doute serait-il très bénéfique de prévoir une réorientation absolue et simple comme possibilité. Au pays de la pâtisserie sophistiquée, les études n'échappent pas à la complexité, avec par ricochet une pression accrue sur les épaules étudiantes. J'aurais personnellement envisagé très différemment mes études si j'avais eu l'opportunité, chaque semestre, de faire quelque chose de différent, sans pour autant nuire à la continuité de mon cursus. Mais j'ai poursuivi, tête dans le guidon, comme la plupart d'entre nous...


A saluer donc, ce genre d'argumentaire. Et à méditer en termes d'expatriation universitaire.

4 décembre 2009

Réalisme scandinave.


Il me parait assez significatif que l'école réaliste légale se soit largement développée en Suède. Pour ceux qui ne verraient pas de quoi il est ici question, il s'agit d'une approche philosophique du droit qui consiste à apprécier une certaine réalité, par opposition avec une approche positiviste. Cette dernière conduirait au contraire à envisager un système normatif en tant que tel, abstraction cohérente détachée des contingences tierces, telle que Kelsen l'a longuement traitée. L'approche réaliste, telle que construite par les sages d'Uppsala, est fondée sur le social, et est souvent nommée école du réalisme social. L'idée est qu'en substance il faut construire le droit pour et par l'objet social, la société détenant la vérité juridique si l'on veut. Ainsi, si la société juge collectivement que telle règle est obsolète, dès lors elle ne devrait pas subsister. Les juristes devraient en ce sens s'efforcer de correspondre à la volonté collective, et non pas se perdre dans la beauté de systèmes de droit éthérés.


Un courant bien connu et différent de ces deux là est le jus naturalisme. Dans cette conception, dite parfois "droitdelhommiste", on cherche également à refuser un positivisme juridique pur et dur en posant certaines valeurs comme fondamentales et inaltérables. Ainsi, un système de droit d'inspiration nazie serait acceptable au plan d'une logique positiviste, qui n'accepte qu'elle-même, tandis qu'il serait inadmissible dans un système qui aurait placé de prime abord des droits intangibles suprêmes. Cette conception permet également de contourner une difficulté inhérente au réalisme social: elle soustrait des valeurs trop contingentes, susceptibles de changer du jour au lendemain selon le bon vouloir de la masse, en les protégeant durablement. Mais cette qualité est aussi critiquable, puisqu'on peut toujours discuter à l'infini de la légitimité et de la cohérence à vouloir caractériser tel ou tel droit comme fondamental.


Au milieu de ces débats interminables, me voilà chargé d'écrire un mémoire sur Lundstedt et sa théorie à la lumière de Kant et Rawls, deux autres penseurs majeurs pour qui s'intéresse à la philosophie politique. J'exposerai certainement mes conclusions sur ce blog, au cas où ça puisse intéresser quelque âme en perdition conceptuelle.

Par parenthèse, le playboy en photo n'est autre que Hägerström lui-même, père spirituel du réalisme scandinave.

28 novembre 2009

Renaissance.

Les représentations théâtrales auront survitalisé mon emploi du temps et indirectement vidé de sa substance ce blog, un peu trop délaissé à mon goût, d'où je vais reprendre de meilleures habitudes.


En tout cas, l'Importance d'être Constant en anglais, jouée par des étudiants étrangers, a remporté plutôt un vif succès auprès du public local. Les esprits avides de marketing s'empresseraient sans doute d'expliquer cela par l'internationalisation et l'anglophonie ambiantes, dopées par le caractère well-educated d'une ville totalement étudiante, et par conséquent plus susceptible d'être versée dans ce genre de distractions culturelles. Enfin, Oscar Wilde lui-même attire les foules, à raison me semble-t-il. Et plus égoïstement, peut-être le bon travail de la quarantaine d'étudiants ayant contribué au projet a également porté ses fruits.


A ceux intéressés par toute participation, il suffit de se rendre au bâtiment de l'Academic Society et de prendre ses renseignements. Au passage, n'oubliez pas de scruter les affiches promotionnelles des spectacles dans les couloirs du QG, résumant au moins cinquante ans de projets divers. Ingrid Bergman apparait sur une affiche de l'après-guerre par exemple... A vous d'essayer d'y faire votre place.

17 novembre 2009

"Je vais y penser" refusa-t-il.

Une curiosité culturelle de plus en Sverige: la politesse conduit à exprimer un refus de façon indirecte. Si vous demandez à votre manager quelque chose, sa réponse pourrait bien être de l'ordre du "Nous y penserons", alors qu'en vérité elle signifie "non".


Je suppose que c'est un signe de plus marquant le pacifisme national. Ce genre de réponse laisse parfois un peu songeur, l'expatrié comprenant plutôt qu'il y a une interrogation qui sera dissipée, dans un sens encore inconnu. A savoir donc...

12 novembre 2009

Par la force du surströmming...

Voilà un certain temps que je m'étais promis de vous mettre en garde contre le surströmming, fétide aliment et spécialité de Laponie. Cela consiste très simplement en du hareng... laissé en fermentation quelques mois. On peut aisément imaginer l'odeur de la chose. Les boîtes suggèrent notamment aux consommateurs de les ouvrir dehors, afin d'éviter de transformer son logement en chalutier olfactif.


Apparemment la raison de cet étrange met tient tout simplement à la recherche d'un mode de conservation des aliments, du temps où la vie était bien dure au grand nord. Mais la tradition a perduré par-delà la nécessité -et sans nécessité aucune s'empresseront d'ajouter les gourmets de bon goût-. En tout cas ce poisson, outre le fait qu'il répugne nombre de gens normalement constitués, a aussi connu un revers de fortune dans les airs, car il a tout simplement été interdit par des compagnies aériennes -British Airways et Air France me semble-t-il-. Le risque d'explosion est invoqué ici.


Un exemple animé de la chose:



Pour le coup, un motif pour déconseiller la Suède comme destination culinaire...


7 novembre 2009

Faire du théâtre en anglais à Lund, c'est possible.

J'ai la chance de contribuer à un projet intéressant, à savoir la première pièce de théâtre en anglais conduite dans le cadre de l'AF -Akademiska Föreningen, sorte de conservatoire étudiant si l'on veut-: nous jouons très bientôt L'importance d'être Constant d'Oscar Wilde. Les renseignements officiels sont disponibles ici.


La dernière adaptation cinématographique de cette élégante pièce victorienne ci-dessous:



J'espère que nous réussirons à conduire de manière brillante ce projet stimulant. Tout intéressé est chaleureusement convié du 22 au 26 novembre, bâtiment AF.

5 novembre 2009

Le sport quasi-national suédois.

Si le football est peut-être le sport le plus joué ici, sans différence majeure avec la France, le hockey jouit d'une aura bien plus étendue en Suède, à en croire les mesures d'audience télévisée. Ce sport méconnu par chez nous est très populaire dans les nations aux températures vivifiantes: Canada, Russie, Finlande, Slovaquie notamment.


Un aperçu de cette passion, amusant parce que bien daté:



Des accents bien typés 70's en tout cas...

31 octobre 2009

L'éducation française vue de Suède.


Avec plus de recul sur le système d'enseignement supérieur à la française, l'efficacité suédoise me donne envie de relever quelques aspects critiquables de notre système.


D'abord, l'université nordique a bien plus d'argent. Ces moyens budgétaires se traduisent immanquablement par un exercice de recherche facilité, et en particulier pour les domaines scientifiques nécessitant de lourds investissements. Bien entendu, il faudrait également inclure les grandes écoles dans cette comparaison, mais la comparaison entre facultés reste lourde de sens.


En effet, étudier à l'université suédoise est d'un accès délicat. La candidature est de mise, parce que la sélectivité est là, contrairement à la France où la simple obtention du baccalauréat est suffisante. Cette générosité explique sans doute un taux d'échec si élevé en première année de licence. Au contraire, les promotions étudiantes suédoises sont réduites, bénéficiant donc d'un taux d'encadrement très confortable, et jouissent du prestige de leur position, pour ne pas dire de la souplesse de la formation à laquelle ils ont pu accéder. Au contraire, les études françaises à l'université sont rarement simples, d'après mon expérience personnelle. Du moins s'agissant des études de droit, il faut travailler sérieusement pour pouvoir valider une licence, et s'investir énormément au niveau master 1 pour pouvoir profiter d'un bon dossier universitaire. Dossier qui sera à peu près indispensable pour accéder à un master 2 de qualité, là où la sélectivité a repris de façon parfois féroce.


La France a fait le choix, dans les années 80 me semble-t-il, d'une massification de l'enseignement supérieur. L'intention est séduisante, mais aujourd'hui il me parait que le niveau du baccalauréat a surtout été relevé à la baisse, conduisant à peu près n'importe quel lycéen à pouvoir l'obtenir. Aux taux enchanteurs de réussite au bac succèdent, pourtant, des taux d'échecs tout aussi remarquables lors de l'entrée dans le supérieur. Il me paraitrait plus pertinent de revaloriser le baccalauréat, d'en faire quelque chose de plus difficile, lequel constituerait alors un véritable système de filtrage pour limiter le désastre des premières années.


De la même façon, la Suède a beaucoup de respect pour les filières professionnelles, lesquelles héritent surtout du dédain collectif en France. Nous préférons former des bacheliers généraux qui n'en portent que le titre plutôt que des artisans, parce que, sans doute, la culture de l'élite est là. Combien d'étudiants sélectionnent leurs filières par simple calcul rationnel élitiste, pour aller là où sont les meilleurs? Ne serait-il pas plus humain de considérer toutes les voies comme dignes? Assurément, il y a là une réalité culturelle difficile à dépasser.


Une autre conséquence liée aux choix budgétaires tient à la qualité de vie étudiante. Une forme d'allocation d'autonomie existe en Suède, de l'ordre d'environ 700 euros si j'en crois mes camarades suédois. Elle est versée à tout étudiant, indépendamment de sa situation familiale. La politique française, pourtant considérée traditionnellement comme généreuse, est éloignée de ce modèle. Les bourses sociales sont attribuées, par principe, selon les ressources des parents. Et elles n'atteignent qu'environ 450 euros à l'échelon 6. Cette différence est de taille à qui veut réussir ses études. Rectificatif: L'allocation d'autonomie n'est pas de l'ordre de 700 euros, elle est de l'ordre de 270 euros, du moins pour l'étudiant que je connais. La possibilité de recevoir dans les 450 euros de plus relève du prêt d'Etat. Merci à l'avisé commentateur!


Toutes ces différences sont assez frappantes vues d'ici. Bien sur, il peut sembler un peu spécieux de vouloir se lamenter à l'infini sur les défauts de notre système alors que, concrètement, une question majeure tient à la réalité des finances publiques si l'on veut améliorer l'état des universités. Et l'argent public ne pousse malheureusement pas sur les arbres. A tout le moins devrait-on y chercher quelque sagesse nouvelle; je trouve ce système vraiment riche de bonnes idées.

25 octobre 2009

Noirceur dès dix-sept heures.


Voilà venu le temps de la pénombre, qui s'annonce à pas feutrés gantés de noir: cinq heures du soir et plus une trace de soleil à l'horizon... Le changement d'heure n'a guère aidé en cela; bientôt le ciel bleu ne sera qu'un lointain souvenir d'une époque révolue. Sombre Suède!


Et ainsi s'abattit une vague de mutisme sur cet article ténébreux.

24 octobre 2009

Des baffes se perdraient en Suède, depuis des décennies.


Il paraitra sans doute étonnant de savoir qu'il est rigoureusement impossible de lever la main sur un mineur en Suède, quelle que soit l'intensité de l'acte en question. On ne parle pas d'enfant battu à coups de fouet ici, mais bien du moindre geste physique porté à leur encontre, une gifle par exemple.


Cette interdiction n'est pas légère, elle est pénalement établie et culturellement défendue depuis plusieurs décennies, la fin des années 70 pour être précis. En Suède, essayez seulement de gifler un enfant dans la rue -le vôtre, de préférence-. Vous verrez sous peu accourir quelque témoin choqué, et dans les minutes qui suivent un policier sera probablement présent pour que vous répondiez de vos actes. Exactement comme en France, dans la situation où vous cogneriez votre rejeton à coup de marteau, sur la place publique.


L'interdiction d'une quelconque fessée étonnera voire agacera nombre d'esprits latins, surpris que l'on fasse tant de cas de punitions corporelles qui semblent assez dérisoires. Il me semble toutefois qu'une telle approche s'inscrive dans le sens global de l'histoire. Il y a encore peu de temps, le martinet et les coups de règle en fer sur les doigts était considérées parfaitement normales. Peu à peu, les esprits ont malmené ces coutumes pour qu'elles disparaissent, progressivement. Ce serait, je crois, poursuivre cette logique qu'inscrire dans le code pénal une interdiction générale des coups portés aux enfants.


Plus généralement, j'ai bien l'impression qu'une telle approche accroit la sécurité psychologique des enfants, lesquels grandissent sans crainte d'une menace physique et jouissent par conséquent d'une plus grande confiance, aimable lot acquis pour la vie. On retrouve encore un tel traitement au sein du système scolaire, où les enseignants évitent toute stigmatisation pour ne retenir que les compliments. Cette éducation par la gentillesse me parait très efficace, même si je parle en simple observateur et certainement pas avec la compétence scientifique d'un psychologue.


A retenir donc en pratique, si vous partez en Suède oubliez toute gifle, fessée ou traitement corporel, à moins de vouloir apprécier la qualité du système pénal.

21 octobre 2009

Un tube de dentifrice pour vos pâtes.


A privilégier Lund et divers concepts suédois, je laisse ce blog assez muet sur les pratiques quotidiennes en Suède, immanquablement différentes des nôtres. Pourtant il y aurait assurément de quoi palabrer, par exemple sur la question existentielle de la nourriture.


Quelque chose d'assez particulier de notre point de vue tient aux contenants des condiments communs. Au lieu d'utiliser une banale bouteille de verre ou plastique, ils ont globalement choisi le tube, exactement comme les tubes de dentifrice. Ca parait manquer un peu de raffinement au premier abord, et rappelle les nécessités des astronautes condamnés à manger dans l'apesanteur -sur cette photo, nourriture du projet Mercury-. Mais après tout les esprits rationnels souligneront, à juste titre, que les contenus doivent primer sur leurs atours.


Hélas, je n'aurai que peu à dire en bien sur ces
derniers. Les sauces proposées ont une tendance générale à donner dans le mélange sucré-salé, avec une saveur vanillée et à base de crustacé assez souvent. Le goût est plutôt écoeurant de mon point de vue. Quelques bonnes surprises sauveront l'étrangeté générale de ces produits. La sauce au thon par exemple, assez bonne.



Voilà en tout cas une raison de claironner la Marseillaise: le modèle gastronomique semble bien plus français que nordique... A charge de revanche.

15 octobre 2009

Le sens suédois de la mesure.


A Lund comme ailleurs dans ce pays, la qualité première de l'homme tient au sens de la mesure. La modestie suédoise n'a rien de légendaire, elle est profondément ancrée dans la culture nationale. Ceci au point qu'un mot particulier existe, lagom, lequel renvoie à l'idée d'une juste mesure.


Au plan humain, on notera ainsi un sens de l'écoute aiguisé, miroir d'un respect collectif qui fait de la parole de chacun quelque chose d'harmonieux. Chacun attribue un respect identique à l'idée d'autrui, dans un exercice d'égalité fort original. Rien à voir avec l'arrogance à la française, si on veut verser dans l'auto-critique caricaturale.


Au plan social, on remarquera que ce sens du lagom trouve une expression remarquable au travers de la tradition du compromis social. La capacité à élaborer et acter des compromis parait profondément en phase avec cette manière de penser, qui assurément ne se retrouve pas en France. La langue de Molière, portée par l'élan des révolutions, ne connait guère de lagom même si nous disposons du qualificatif "mesuré". Mais nous n'en faisons pas un usage aussi absolu et religieux. Cette façon de procéder parait indéniablement plus pacifique, puisqu'elle implique une recherche systématique de la solution la plus consensuelle. Ainsi, vues l'ampleur des réformes entreprises dans les années 90 en Suède, qui peuvent être pour l'essentiel ramenées à l'idée d'une vague de privatisation, on peut penser que le lagom national a joué un rôle certain.


En tout cas, le lagom parait souvent oublié par les Suédois quand la boisson devient la préoccupation festive du vendredi. Sans doute pouvons-nous tirer ici une légère revanche, du haut de nos dégustations à vocation gastronomique.

10 octobre 2009

The Erasmus meaning of life.


Ce programme d'échange européen né en 1987, dont je suis actuellement l'un des heureux bénéficiaires, intensifie bien plus que la stricte internationalisation des profils universitaires. Par-delà les bienfaits indéniables au plan de l'employabilité de tout un chacun, et sans compter les vertus linguistiques du projet, je crois qu'il y a encore mieux derrière tout cela. Quelque chose d'infiniment plus personnel et vital.


Je ne saurais mieux trouver que le film désormais classique L'Auberge Espagnole pour illustrer mon idée. Si je résume la trame de façon rudimentaire, c'est avant tout l'histoire d'un étudiant en économie, probablement sa licence presqu' achevée, en quête d'un travail et pour ce faire en quête de son employabilité personnelle. Or un conseil va lui être donné, s'il veut pouvoir travailler au MINEFI grâce à une relation: il faudrait qu'il parte à l'étranger de façon à présenter un profil intéressant du point de vue du service en question. L'étudiant part un an à Barcelone, y découvre la vie comme jamais auparavant, revient, décroche le job désiré. Et là tout d'un coup s'évanouit le projet professionnel sans doute trop fade pour faire tout voler en éclats. Notre héros plaque tout, conscient que tout ce la ne l'intéresse guère au fond, et souhaite renouer avec son rêve personnel: devenir écrivain.


Cyniquement commentée, on peut dire qu'il échappe au sort de nombre de ses semblables en peu ou prou la même posture, grâce à la révélation d'Erasmus. Beaucoup d'étudiants sont en économie et en droit, je crois qu'on peut l'admettre, et en tout cas certainement pour le niveau de la licence, sans aspiration propre. Ils sont là parce qu'il faut avoir un travail, parce que le droit ou l'économie c'est bien et ça forme, théoriquement, des cadres. Parmi eux, combien laisseront leur sensibilité au vestiaire? Abandonnant les arts et lettres, laissant projets sagement fous au placard pour leur préférer la rigueur d'une carrière linéairement tracée, ou du moins de la direction qu'elle apparait suivre. Heureusement, Erasmus vient là-dedans, salvateur coup de pied dans la fourmillière, et certains découvrent qu'il est encore temps de réaliser leurs passions, si chaotiques fussent-elles de prime abord.


Par-delà ce qu'il peut y avoir de naïf et caricatural dans ces propos, je crois qu'on peut en tout cas retirer une chose certaine de l'expérience Erasmus. Comme tranche de vie accordée à l'étranger, loin des habitudes nationales, elles transportent l'espace d'un semestre ou d'une année dans une sphère extraordinaire. L'esprit est en vacances, le monde apparait grand et accessible, les possibilités étendues, la richesse d'une jeunesse unique à préserver. Ce sentiment qui flotte chez nous, aérée communauté Erasmus, nous pousse à rejoindre notre part d'intime la plus affectionnée. Nous souhaitons reprendre ce que nous aimons, avant tout, et moins courber l'échine devant les critères attendus par quelque chemin rigidement préconçu. L'inspiration nous envahit, notre tolérance s'allonge pareillement à notre faculté d'adaptation, et le sourire s'affiche insolemment.


Evidemment, ce chant à la gloire de l'échange européen est à relativiser d'autres considérations diverses. Le financement notamment, qui peut apparaitre critiquable, mais qui constitue probablement le système le plus favorable au monde jamais conçu pour la mobilité étudiante. Matériellement parlant pour l'étudiant européen, une allocation est accordée automatiquement d'un montant d'environ 120 euros par mois de durée du séjour. A cela peut s'ajouter une aide nationale. En France cette aide peut être la bourse de mobilité, accordée aux boursiers sur critères sociaux et d'un montant de 400 euros environ par mois de séjour. Ou bien une bourse de mobilité pour les étudiants très méritants, d'un montant à peu près similaire. La possibilité d'être financé à hauteur de 520 euros par mois est donc certainement un point positif. Certains défauts viennent éroder la belle machine en ce domaine, il est vrai. Ainsi du versement des aides, au mois de... décembre (sic), pénalisant terriblement tous ceux incapables d'avancer l'argent les trois mois précédents. Mais l'ensemble demeure tout de même très satisfaisant à mes yeux, à songer aux dizaines de milliers de dollars ou de livres sterling de frais d'inscription qui constituent la réalité étudiante d'autres Etats.


Enfin, d'autres regrets viennent parfois ternir cet allègre tableau. Notamment... le fait que les étudiants n'en profitent pas assez, en tout cas pas autant qu'ils le pourraient, vu que les offres nationales demeurent toujours supérieures aux demandes de mobilité. Les récentes réformes du la ministre de l'Education ont d'ailleurs cherché à accroitre sa portée, tout comme le souhaitait le rapport conduit par Jacques Attali il y a maintenant quelque temps. Espérons qu'à terme nous soyons tous contaminés du virus de la bonne humeur.

5 octobre 2009

La proximité des distants suédois.


Le cliché de l'individu nordique par excellence le voudrait pratiquement muet, animé d'une inanimée expressivité, inanité d'expression inhumainement inexpressive si l'on veut. Sans doute y a-t-il du vrai là-dedans, à les considérer par contraste avec les comportements culturels qui sont les nôtres, et en particuliers ceux du sud, prompts à l'exubérance. Sans doute est-ce plus vrai encore à voyager vers le nord de la Suède. On raconte, en substance, que ceux du sud -en Scanie par conséquent- sont plus extravertis qu'au nord -Silencieuse Laponie!- , et le degré de sociabilité serait inversement proportionnel à la hauteur septentrionale pour schématiser.


Pourtant, à se pencher sur le langage suédois et l'état des rapports interindividuels de ce pays, je perçois, assez curieusement, un degré unique de proximité dans la société. Il n'y a, par exemple, aucune forme de vouvoiement telle que nous la connaissons, le tutoiement étant d'usage universel. On tutoiera ainsi son patron, son professeur, un homme politique... Il existait un vouvoiement en suédois mais il a été presqu'effacé et n'est aujourd'hui qu'exclusivement réservé à la famille royale, m'ont raconté les autochtones. De la même manière, les titres de politesse se sont évanouis des conventions du langage il y a maintenant plusieurs décennies -à l'exception, me semble-t-il, des discussions avec le roi de Suède-. Il faudra donc toujours s'adresser aux gens en utilisant leurs prénoms. Cet exercice peut paraitre étonnant d'un point de vue latin, habitué à s'adresser à des détenteurs d'autorité très formellement protégés. Oublions donc "Monsieur le Professeur Jean-Paul de la Françiseraie" au bénéfice d'un "Jean-Paul", pour prendre un exemple fictif. Cette proximité linguistique se retrouve dans les pratiques au quotidien par ailleurs. Attendre dans un magasin impliquera certainement que l'on vous y propose un café. Le formalisme public est ainsi réduit à peau de chagrin, au profit de la plus grande des simplicités.


Subjectivement, j'ai le sentiment que cet état des choses dénote d'une grande modernité dans les relations humaines. On peut aussi regretter ce qui révèle peut-être un appauvrissement du langage, la raréfaction des formalismes pouvant être le reflet d'une perdition syntaxique plus générale. Mais j'y verrais davantage, avec bienveillance, la traduction d'une culture sociale profondément démocrate, profondément attachée l'égalitarisme dans la parole, sans distinction de statuts d'aucune sorte. Bonne chose, non?

Laval et Viking, angoisses d'un modèle social?


La jurisprudence communautaire n'émeut généralement guère l'opinion publique, si déconnectée des préoccupations de chacun, si encombrée d'une terminologie et d'un appareil procédural abscons. Parfois cependant, les décisions frappent la réalité avec force. Preuve en est de deux arrêts qui ont rencontré un écho médiatique inédit dans l'Europe du Nord: les affaires Laval et Viking.


Ces deux décisions présentent force similitudes. Rendues toutes deux fin 2007, elles traitent d'un même problème à savoir la tension entre liberté communautaire de prestation de services et droit du travail national. Pour résumer l'idée le plus simplement, disons que l'Europe communautaire s'est fixée un but de libéralisation dans les 27. Par libéralisation, comprenons que l'on cherche à assurer une circulation la plus absolue de certaines entités. Ces entités peuvent être des personnes, des marchandises, des capitaux ou encore des services. L'objectif étant d'égaliser les conditions d'accès au marché européen pour tous ses citoyens. Par exemple un avocat titulaire d'un diplôme français doit pouvoir prester son service juridique dans un autre Etat-membre, avec un traitement égal par rapport à l'avocat formé localement. A contrario on ne pourrait admettre toute discrimination fondée sur la nationalité. Ainsi un Etat-membre ne pourrait légiférer pour entraver l'importation de certains produits venant d'autres pays européens, sous quelque prétexte fallacieux. La libéralisation des services, portée par la fameuse directive dite Bolkestein, obéit à cette même logique.


Toutefois, cette libéralisation fait souvent peur. L'idée cauchemardesque qui pourrait bien être réalisée tient à l'idée du dumping social. Imaginons une compagnie estonienne détachant des salariés en Suède par exemple, pour assurer un service de construction d'école. Elle respecte une convention collective conclue en Estonie. On veut lui faire signer une convention collective suédoise, mais elle refuse obstinément. Des grèves s'ensuivent, le tout va au contentieux, un recours est introduit devant la CJCE, et en fin de compte une décision est rendue pour donner tort aux prétentions suédoises. Voici résumé grossièrement l'arrêt Laval. La conséquence pratique directe de cela, c'est donc que l'entreprise estonienne peut payer ses salariés détachés conformément au SMIC conventionnel estonien, sur le territoire suédois. On imagine le fossé béant pouvant séparer les deux Etats, et l'angoisse des travailleurs suédois devant cette concurrence terrible ainsi constituée. Le risque serait donc de vouloir, par souhait de préserver la compétitivité des travailleurs, de vouloir aligner les salaires par le bas.


Le cas Viking est très proche. Il s'agissait d'une compagnie finnoise de transport maritime Vikingline, qui cherchait à immatriculer un de ses navires en Estonie. Ceci permettrait évidemment de limiter ses coûts salariaux en employant un personnel à coût amoindri. S'en est ensuivie une action de protestation syndicale et un contentieux, lequel a finalement entrainé une décision communautaire donnant raison au prestataire de services. Là encore la crainte du dumping social est avivée.


Ces deux affaires marquent les esprits parce qu'elles paraissent politiquement très symboliques. Finlande et Suède, deux Etats décrits comme parmi les modèles les plus protecteurs des salariés, se voient refusés la pertinence de leurs règles collectives au bénéfice d'une Europe libérale, et au bénéfice des Etats d'Europe de l'est, aux coûts bien plus légers. Et celle-ci semble bien permettre en pratique un certain dumping social. Les commentateurs ont été souvent surpris et critiques vis-à-vis du raisonnement conduit par les juges communautaires. Il eût été souhaitable, sans doute, d'aller au-delà de la lettre des textes pour rejoindre un esprit plus social. Affaires à suivre.

23 septembre 2009

Les salaire suédois, modifiables à l'envie?


Une grande différence séparant notre droit du travail de son homologue suédois tient à la différence entre normes légales et normes collectives. Autrement dit, la différence distinguant les règles d'origine législative, élaborées essentiellement par les parlementaires, des règles d'origine collective, élaborées par les syndicats et les entreprises dans le cadre de négociations. Alors qu'en France le législateur tient les rênes, du moins traditionnellement, des normes du travail, la Suède donne à peu près toute latitude aux partenaire sociaux.


Pour rappel, la France n'est pas non plus totalement absente de la négociation collective, bien au contraire. Les conventions collectives, c'est-à-dire ces contrats conclus après d'âpres négociations entre employeurs et représentants salariés, contiennent un très grand nombre de règles à destination des salariés et constituent le quotidien de tout juriste spécialisé en la matière. Mais à la question de savoir ce que peuvent décider les partenaires sociaux, il y a souvent une réponse limitative d'origine légale. Autrement dit, il y a fréquemment des seuils minimum fixés par le législateur, et en-deçà desquels les partenaires sociaux ne peuvent descendre. L'exemple du salaire est éloquent: le SMIC est annuellement identifié par le législateur, le Code du travail établissant le respect de ce salaire minimum. Bien entendu, rien n'empêche les partenaires sociaux de s'accorder sur un salaire minimum supérieur au SMIC, lequel devra dès lors être appliqué, faute de ne pas respecter les conventions collectives. Mais cette dérogation ne s'effectuera donc que dans un sens favorable au salarié, ce que la doctrine a qualifié de principe de faveur dans la hiérarchie des normes du droit du travail.


Or la Suède, forte d'un dialogue social historiquement ancré, jouit d'un régime très favorable aux partenaires sociaux. La question des salaires, pour reprendre cet exemple, l'illustre: il n'existe pas de salaire minimal suédois, posé par la loi. Seuls existent des seuils minimum fixés par les conventions collectives. Aussi est-il théoriquement possible de modifier "à l'envie" le salaire suédois, en d'autres termes conformément à l'accord conclu entre les parties. De façon générale, disons que dans les terres scandinaves le Code du travail n'existe pas et laisse la part du lion aux normes collectives. Cela signe probablement une réussite sociale, aboutissement d'un modèle fondé sur la logique du compromis et de la responsabilité collective.


Ce modèle brillant de vivacité collective n'a pas connu une histoire uniforme et tranquille, toutefois. Au début des années 1990, la Suède a été atteinte d'une crise économique dont certains ont identifié une des causes dans l'incapacité à réformer un modèle de négociation collective. Les salaires ont été négociés trop à la hausse, pour résumer l'idée principale, alors que des temps d'austérité s'imposaient. L'économiste suédois Lund Christer relevait avec justesse, dans un papier écrit en 1991 -Recent trends in collective bargaining in Sweden dans The crisis of the Swedish model-, qu'il faudrait trancher entre deux alternatives. La première, continuation du système suédois classique, impliquerait une responsabilité collective remise au goût des nécessités monétaires. La seconde, nouvelle car inspirée du marché, impliquerait d'utiliser les variables d'offre et demande pour ajuster les salaires. Alors que la première solution conduirait à préserver un modèle centralisé de négociation collective, l'autre voie tendrait davantage à l'éclatement et la dispersion du modèle. Or, a posteriori, il apparait évident que la second chemin a été emprunté. C'est d'ailleurs une tendance générale affectant l'Europe des années 1990, comme le soulignait l'intéressant rapport Supiot en 1999 -Au-delà de l'Emploi, sous la direction d'Alain Supiot-. Les niveaux de négociation subissent un double mouvement de localisation et d'internationalisation du fait de la mondialisation. France et Suède n'ont pas été épargnées.


Enfin, la force des normes collectives suédoises réside certainement pour large part dans le degré d'investissement collectif de ses salariés. A comparer France et Suède en 2006, selon les statistiques de l'OCDE, le taux de syndicalisation est de 8% pour l'un et de 80% pour l'autre, soit une distorsion tout à fait spectaculaire. Sans doute peut-on regretter la faiblesse française en la matière, laquelle tend vraisemblablement à vider les syndicats de leur légitimité au plan de l'imaginaire collectif. Difficile en tout cas d'envisager un changement purement juridique pour redresser la barre. L'appropriation du sens collectif parait d'abord un challenge social, condition d'un jeu collectif stimulé.


17 septembre 2009

Aperçu du système judiciaire suédois.


Être étudiant à la faculté de droit de Lund permet d'approcher, bien logiquement, diverses réalités institutionnelles. Sans prétendre à l'exhaustivité, quelques caractères me paraissent intéressants à relever.


Organiquement parlant, l'organisation judiciaire et administrative n'est pas si différente de la notre. En reprenant la terminologie française, il y a en Suède l'équivalent de 53 tribunaux de grande instance, 6 cours d'appels et une cour suprême, au plan judiciaire. Au plan administratif, il y a 23 tribunaux administratifs, 4 cours administratives d'appel et une cour suprême administrative.


Parmi les dissemblances frappantes, notons que si notre Cour de cassation n'est juge qu'en droit, délaissant l'appréciation souveraine des faits aux juges du fond, la Cour suprême suédoise, au contraire, juge également en fait.


Des juridictions spéciales existent, par ailleurs. En traduisant un peu hâtivement, on y retrouverait ainsi une juridiction environnementale, une juridiction de la propriété, une juridiction de l'immigration, une juridiction des relations du travail, une juridiction du marché, et enfin une juridiction spécialisée en propriété intellectuelle. Elles font évidemment penser à certaines de nos structures -Conseil de la concurrence par exemple-, mais fonctionnent autrement. Je m'attarderai sans doute, à l'avenir, sur leur cour spécialisée en droit du travail.


Enfin, d'un point de vue plus matériel, ou intuitif si l'on veut tant cela est facile à identifier par de simples visites lors des audiences publiques, je noterais deux grandes différences. Premièrement, le budget de la justice a l'air de se porter brillamment en Suède, pendant que nos juges français doivent travaillent dans des conditions choquantes tant l'argent public s'y fait désirer. Le justiciable scandinave en sort incontestablement gagnant. Le tribunal de grande instance de Malmö, qu'il m'a été donné de visiter, apparait moderne, propre, les audiences systématiquement filmées pour numériser les procès, des vidéoprojecteurs, microphones et autres bureaux neufs à perte de vue. Plus de moyens dans la Justice leur permet donc un accès à la résolution des litiges plus rapide et plus efficace, sans surprise. Deuxièmement, une différence flagrante tient à la formalité du processus judiciaire. Alors qu'en France les formes sont de rigueur, avec en particulier le port de l'épitoge -cette robe noire que portent les avocats-, en Suède la liberté est reine. Les juges sont habillés comme de simples administrateurs, en costume. De plus il n'y a, semble-t-il, aucune exigence formelle en matière de courtoisie institutionnelle, si j'ose l'exprimer ainsi. Alors qu'au Royaume-Uni il ne faut ni tourner le dos au juge une fois l'audience terminée, ni l'appeler autrement que "Votre honneur", la Suède fait fi de ces paillettes. Ceci peut d'ailleurs apparaitre paradoxal, dans un pays où les gens sont classiquement catégorisés comme "distants" de caractère: la culture semble orientée vers une informalité maximisant la proximité.


A choisir, commettez donc une infraction en Suède plutôt qu'en France si vous souhaitez bénéficier d'un traitement judiciaire d'aspect plus sympathique.

16 septembre 2009

"Millenium, tome 2: Flickan som lekte med elden." Ou comment poursuivre les nuits blanches.


Comme la quasi-totalité des lecteurs du premier tome de Millénium, je n'ai pu longtemps m'empêcher de m'emparer du deuxième volume. Les propos qui suivent ne dévoilent pas l'intrigue, mais plutôt des traits généraux de l'ouvrage, peut-être de nature à irriter le goût de la découverte des plus tatillons d'entre nous.


Le roman policier continue, développant ses deux personnages principaux au gré de péripéties assez noires. Je dirais même que ce nouvel opus est plus violent et sanglant que le premier. Une constante thématique tient aux traitements indignes réservés aux femmes, en l'occurrence traitée sous l'angle du commerce du sexe. Il demeure toujours fort agréable de se promener virtuellement dans toute la Suède, grâce à un scénario profondément scandinave. Un parfum de Russie et de pays baltes baigne le tout d'un jour réaliste. Quant au style, il reste inchangé, sans noblesse, simplement journalistique. L'approche chronologique reprend la même virtuosité, en multipliant les points de vues des différents personnages sur les mêmes objets, ce qui généralement amène à d'intéressantes révélations. Enfin l'action reste primordiale, et va peut-être au-delà du premier roman car la fin nous prend de cours, suspendue cette fois-ci, façon "A suivre".


L'intérêt est sans doute légèrement moins vif qu'en première approche de Millénium, mais on a toujours envie d'en savoir davantage. L'auteur a sans aucun doute rigoureusement investi le genre de la saga dont il se prévalait. Souhaitons que le troisième tome soit une consécration.

13 septembre 2009

Par-delà Göteborg.

La ville de Göteborg, à moins de trois heures de train de Lund, offre diverses opportunités au voyageur bucolique. Une belle réputation profite à la ville et surtout aux environs, et spécialement le littoral un peu plus au nord. Je ne trouve pas l'urbanisme général très exaltant, mais il y a assurément de quoi vivre en s'amusant. Il s'agit tout de même de la deuxième ville de Suède, démographiquement parlant, bien qu'elle ne pèse qu'un peu plus de 500 000 habitants. Championnats d'athlétisme, vie culturelle, vie festive, concerts, opéras, les occasions ne manquent pas de satisfaire les intérêts de chacun.


Pour donner quelque avant goût imagé, voilà un clip promotionnel de plus sur ce blog, au ton pour une fois un peu original:



Ce qui est en tout cas bien plus beau, à mon sens, que le centre urbain lui-même, c'est la côte un peu plus au nord, pour qui aime les beaux paysages naturels. En voiture, il ne sera guère malaisé de rouler dans cette direction et profiter de nombreux coins préfigurant la Norvège. Vues sur la mer, couchers de soleil flamboyants, rochers étrangement travaillés par l'érosion et sculptés par la végétation coriace, bateaux et cottages en bois peint... Les environs de Lysekil sont notamment doublement célèbres et intéressants. Une ville de plus à inscrire sur l'emploi du temps, par conséquent.


12 septembre 2009

Adrénaline et contraventions suédoises.


Le droit pénal suédois rassurera, de prime abord, les étudiants peu émus par la triple distinction contravention / délit / crime, classiquement développée par le cours de droit pénal général de nos universités. En effet, une seule notion recouvre tout cela en Suède, dont le nom anglais est crime bien qu'évidemment ce soit ici un faux-ami.


Il épouvantera, au contraire, les tenants de la festivité sans limite, prompts à consommer certaines substances illicites. Les sanctions pénales prévues en matière de drogue sont en effet extraordinairement sévères, et se chiffrent moins en couronnes qu'en mois de prison. Par exemple 1 mois de détention s'ensuit dès lors que la possession de 50 grammes de cannabis est avérée. C'est le même l'esprit qui semble animer, plus généralement, le droit de la répression scandinave. Qu'on en juge par les 100 euros à verser si la priorité aux piétons n'est pas respectée, 150 euros en cas d'absence de ceinture de sécurité, 250 euros pour griller un stop, 150 euros pour un excès de vitesse de plus de 10 Km/h -si la vitesse est supérieure à 50 Km/h-, ou encore 50 euros pour absence de lumière de signalement sur un vélo dans la pénombre -cette dernière étant d'envergure en Suède, pays aux hivers si profonds...-.


Sans s'attarder à débattre du bien-fondé de ces choix pénaux, on saluera surtout la réussite statistique chère aux criminologues, laquelle dépend peut-être avant tout du caractère paisible et cohérent d'une économie sociale plutôt que de la pertinence des normes pénales, en premier lieu. Ainsi la Suède arrive, selon un rapport du 19 juin 2009 d'Eurostat, dans les cinq premiers pays en termes de ratio population / incarcérés. Avec seulement 77 prisonniers pour 100 000 habitants, elle s'affiche donc bien calme.


Apparemment, certaines singularités distingueraient également ce domaine au plan de la repsonsabilité, laquelle parait catégorisée plus rigoureusement -au sens de sévérité j'entends- par les règles afférentes. Mais je m'interdis tout commentaire en l'absence d'étude fouillée de la chose, d'autant qu'il est toujours malaisé de se livrer à des exerices comparatifs entre systèmes de normes.


A retenir en tout cas, ne jamais jouer avec le feu en amenant des drogues, si douces et angéliques fussent-elles. A défaut, le séjour pourrait se voir originalement prolongé dans les geôles suédoises.

8 septembre 2009

Oslo, capitale aux prix glacés.

Difficile de résister à la tentation d'aller en Norvège quand on est en Suède quelque temps. Touristiquement parlant, quelques lieux semblent particulièrement intéressants: la région entre Oslo et Bergen -petite ville côtière de la côte ouest-, de très longs pans du même littoral sublimés par les fjörds, et nombre d'autres lieux notamment dans la pointe nord du pays. L'idéal serait peut-être une longue croisière complétée par des voyages ferroviaires. Certains tronçons du chemin de fer sont classés au patrimoine mondial de l'humanité, par parenthèse alléchante.


Néanmoins, de ces vastes possibilités l'étudiant Erasmus moyen n'aura qu'un aperçu bien sommaire. Le problème de cette destination, ce sont ses coûts stratosphériques. La Suède parait magiquement accessible par contraste avec Oslo. Ainsi un café y coûtera environ 3,50 euros, le kebab le moins cher que j'aie pu trouver presque 8 euros, un forfait de taxi entre le centreville et l'aéroport le plus proche 70 euros... Avec ceci de trompeur que les prix paraissent identiques à première vue. Par exemple 1000 couronnes pour tel article, comme en Suède. Mais le choc psychologique s'ensuivra après une rapide conversion de la couronne norvégienne à la couronne suédoise, un tiers du prix venant gonfler extraordinairement la note.


Hormis le plaisir d'y vider allègrement son compte en banque, y a-t-il quelque raison d'aller visiter Oslo? Difficile de répondre à cette question de façon tranchée. Pour ma part, j'estime qu'il y a quelque chose de l'ordre du symbolique à visiter une capitale d'un pays intéressant. Mais je reconnais trouver peu de charme à cette capitale. Son centre-ville affiche, certes, plusieurs monuments dignes d'intérêt. Et sans doute la vie nocturne a-t-elle quelque intérêt, pour ceux dont le portefeuille peut survivre aux dépenses colossales requises. Autrement, les immeubles sont plutôt maussades. Rien à voir en ce sens avec Stockholm, dont je garde un excellent souvenir.


Quelques autres bons points, évoqués dans cette vidéo -prix nobel, situation géographique intéressante, un parc aux statues très originales...-:




Les mauvaises langues rajouteront qu'il leur est désagréable de dépenser tout leur argent dans un pays gâté par sa chance naturelle, l'économie norvégienne, florissante, reposant pour l'essentiel sur ses réserves de pétrole, gaz et ses ressources maritimes. Peut-être peut-on aussi dépasser nos accès spontanés de jalousie pour admirer ce qui y marche très bien, notamment les pratiques démocratiques qui y sont d'usage, ou encore pour ce modèle capitaliste social dont le destin a permis l'éclosion. Et puis, si ces débats sonnent par trop superflus, on pourra toujours rester en Suède.

6 septembre 2009

Copenhague, à portée de Lund.

Le centre-ville de la capitale du Danemark est à 35 minutes de Malmö par train. Si les prix peuvent apparaitre parfois dissuasifs dans ce qui est tout de même la troisième ville la plus chère au monde d'après le classement Forbes 2009 -derrière Zurich et Oslo-, la richesse économique et culturelle a de quoi intéresser. Beaucoup de résidents à Malmö travaillent d'ailleurs dans cette ville, au marché du travail si fougueux. On peut, dit-on, y trouver du travail en connaissant juste l'anglais, à la différence de la Suède où il demeure délicat d'arracher un job sans connaissance de la langue locale. Un aperçu documenté et publicitaire de la ville ci-dessous:




Assurément à voir quand on est étudiant à Lund, notamment pour les innombrables concerts régulièrement organisés. Plus d'informations disponibles sur le site officiel de la ville.


Et pour la parenthèse historique, l'université de Lund fut créée dans les années 1660 par les gouvernants suédois afin d'empêcher les suédois de Scanie d'aller étudier à Copenhague, où existaient déjà des institutions d'enseignement supérieur. Ceci dans le cadre des rivalités profondes qui crispaient la relation entre les deux pays. Une création nationaliste en somme, ce qui peut sembler paradoxal aujourd'hui, l'institution étant devenue le système d'enseignement le plus international de Suède...

2 septembre 2009

Le fer de lance associatif de l'université suédoise: la nation.


Les nations suédoises ne sont pas à comprendre au sens classique du mot nation, lequel renvoie alors à une communauté d'individus réunis par une volonté de vivre ensemble et objectivement liés par des critères culturels communs, politiquement unifiée. Les nations renvoient à une structure associative quasiment disparue de nos jours, à l'exception notable de la Suède, en date des temps médiévaux. Il s'agissait alors de groupements d'étudiants issus d'une même origine géographique.


A Lund, comme à Uppsala d'ailleurs, les nations demeurent vivantes, et cristallisent même la quasi-totalité de la vie associative étudiante. Treize nations différentes existent, aux noms géographiquement identifiables: Malmö Nation, Göteborg Nation, Kalmar Nation, ... Chacun de ces groupements est originairement issu de la ville qui constitue sa douce appelation, sans que cela ait grand sens maintenant.


En effet, tout étudiant est libre d'adhérer à n'importe quelle nation, quelle que soit son origine. Les nations sont désormais identifiables selon leurs activités spécifiques. L'une sera branchée musique House, une autre Indie, une autre Kultur... De plus, avoir sa carte dans une nation n'empêche en rien de profiter des activités organisées par les autres nations. A une exception notable il est vrai: Smalands Nation, nation extrêmement politisée et apparemment souvent décriée pour ses postures extrémistes. Sans pouvoir juger objectivement de ce qu'il en est, je peux en tout cas observer que l'accès à nombre de fêtes est refusé aux membres de cette association, concrètement marginalisée. Sans doute est-elle toutefois intéressante à qui s'intéresse de près à la gauche suédoise ou aux musiques indépendantes, qui relèvent de son domaine de prédilection.


Il me parait très significatif que le système suédois ait institué une obligation d'inscription à une nation en guise d'inscription à l'université. Autant il n'y a pas de frais universitaires pour les étudiants suédois, autant ils doivent choisir leur association et y régler leur cotisation semestrielle, laquelle n'est généralement pas très élevée, souvent dans les 40 euros. Par là, on dynamise résolument le caractère collectif de la vie étudiante, au lieu de l'individualiser. Cette approche me parait culturellement très scandinave.


Et comment choisir sa nation? C'est la question insoluble qui laisse songeur tout nouvel arrivant, tant la profusion associative semble noyer toute clarté. Quelques pistes existent sans doute, cependant, pour se décider. Ainsi, on peut déjà diviser le monde des nations entre les énormes structures pleines de milliers d'étudiants et les autres, bien plus modestes. Les premières sont peut-être plus adaptées aux amateurs de grandes fêtes dansantes, mais sont moins susceptibles de vous aider à construire un réseau social. En effet, si paradoxal que cela puisse paraitre, un groupement de dimensions modestes vous permettra de connaitre beaucoup plus de monde qu'un groupement énorme. On m'a dit peu de bien, par ailleurs, des plus grosses nations -Malmö et Göteborg me semble-t-il- car elles seraient posh, à l'ambiance snob autrement dit. Enfin, chaque nation dispose d'un site internet qui devrait aider quelque peu à se faire une idée. Pour ma part j'ai choisi Kalmar Nation, mon attrait pour la viande rouge du lundi soir étant particulièrement fort.


Une autre façon de développer son réseau social dans les nations consiste à y travailler. Aucune rémunération propre ne vous sera attribuée, mais vous connaitrez d'autres personnes et bénéficierez en général de l'équivalent d'une soirée gratuite. Par exemple vous aidez à faire la cuisine lors du repas du soir, et à l'issue de ce dernier le repas vous est précisément offert. Et puis si vous êtes français, il y a fort à parier que vous compreniez très bien la nourriture, talent qui fait sans doute défaut aux suédois.

30 août 2009

Impressions françaises.


Une semaine de prérentrée faite à l'université de Lund, et me voici désormais dans la rentrée à proprement parler, avec ses cours magistraux parfois lourds, ses carences associatives, son manque patent de socialisation... A moins qu'il ne s'agisse là que du portrait de la plupart des universités françaises? En effet, mon ressenti suédois est largement différent.


Avant de démolir nonchalamment l'université française par un exercice d'éloge a contrario, il faudrait aussi relativiser par avance ces remarques. Notre modèle me parait spécifique à au moins deux égards.


D'une part, nous avons élaboré notre modèle d'enseignement supérieur sur une concurrence, pour le moins critiquable, entre les établissements universitaires et les grandes écoles. En Suède comme dans peut-être l'ensemble des autres pays du monde, le système des classes préparatoires n'existe pas et les universités "sont des grandes écoles", pour s'exprimer dans un langage franchouillard. Aussi faudrait-il idéalement intégrer grandes écoles et universités françaises pour comparer avec rigueur.


D'autre part, notre culture universitaire est profondément académique, au sens où elle met en exergue un savoir magistral, voué pour ainsi dire à l'absolution c'est-à-dire dépouillé de toute ambition connexe, notamment en termes de vie associative. Les universités sont au service du savoir, en particulier de la recherche, pas du bien-être des étudiants. C'est un choix contestable, et au demeurant pas aveuglément observé puisque la vie associative existe bien dans nos facultés, bien que ce soient dans des proportions risibles vues d'ici.


Enfin, et cette dernière dimension n'est pas anodine, la France consacre un budget dérisoire -comparativement parlant- à l'enseignement supérieur. En début 2009, d'après mes lectures des sites institutionnels, on y investit 1,3 pour cent du PIB, contre une moyenne à 1,5 pour cent dans l'OCDE. Et s'agissant d'une moyenne, il serait sans doute plus souhaitable de vouloir comparer avec les meilleurs, qui dépassent les 3 pour cent du PIB -Suède, Finlande, Corée, Japon, Etats-Unis me semble-t-il-. L'argent laisse donc à penser que l'on trouvera des systèmes de plus ou moins grande qualité.


En tout cas, le moins qu'on puisse dire c'est que l'université de Lund tranche avec ce que j'ai pu apprécier en France. Bien entendu, il faudrait là encore relativiser au nom de sa singularité. Il s'agit du campus le plus gigantesque de Suède en termes de population étudiante, aussi parait-il compréhensible que l'on y trouve une vie sociale et associative débordante. Mais sans doute est-ce là aussi le reflet des ambitions universitaires de ce pays.


Ce qui frappe d'emblée c'est la vitalité des opportunités sociales dans cette ville. Le nouvel étudiant a droit à bénéficier d'un système de tutorat d'ampleur, avec des dizaines de groupes d'accueuil constitués sur la base du volontariat. Il peut profiter des nations d'autre part, structures associatives étudiantes typiquement suédoises, à l'adhésion obligatoire pour les étudiants suédois, qui prennent en charge diverses activités -sport, théâtre, fêtes, cuisine... à peu près tout ce qu'il y a d'imaginable-. Ce sont ces nations qui distribuent l'équivalent de la carte étudiant, laquelle ouvre droit à divers avantages. Avoir rejoint une nation n'implique pas d'y être éternellement limité, autrement dit chaque titulaire d'une carte d'étudiant peut pleinement éprouver toutes les activités organisées par toutes les nations, quand bon lui semble. Enfin, des infrastructures tierces existent pour ceux qui auraient encore d'autres ambitions. En particulier l'Akademiska Föreningen ou Academic society, forme de conservatoire associatif estudiantin qui prend en charge à ce titre de multiples activités culturelles -théâtre, chorale, musique, ateliers littéraires...-. Toutes ces possibilités sont visuellement magnifiées par l'abondance humaine: où que l'on soit, les étudiants sont là, à perte de vue...


Un autre atout de l'université suédoise tient à ses capacités anglophones. Cela permet tout simplement aux étudiants d'y venir, alors que des enseignements exclusivement en suédois limiteraient terriblement son attractivité. L'université française est bien loin de cela. Sans doute y-a-il là aussi lieu à débattre, la langue française et sa majesté d'antan méritant selon certains plus d'attentions qu'une indigne soumission devant la langue de Shakespeare, alors que selon d'autres il s'agirait tout simplement d'une nécessité pragmatique, nullement contradictoire avec l'objectif légitime de préserver notre langue.


La modernité éclaire, par ailleurs, le système suédois d'un jour psychologique meilleur. Je ne saurais trop identifier les origines culturelles et politiques des relations individuelles en Suède, mais en revanche il n'est pas malaisé d'en percevoir la fluidité dans les rapports étudiants-professeurs. Alors que le modèle français concentre toute l'autorité dans les mains des professeurs, détenteurs absolus de la connaissance, le rapport suédois semble plutôt marcher dans un rapport d'égal à égal. Appeler les professeurs par leurs prénoms, les taquiner sur un point vestimentaire ou jouer dans le registre de l'humour, se rendre sans prévenir dans le bureau d'un professeur pour lui demander des informations, disposer de son email et de son numéro de téléphone personnel... Autant de choses qui sont absolument normales ici, et relèveraient plus de l'extraordinaire en France.


De la même façon, le système est pragmatiquement voué à la formation de ses usagers. Aussi ne cherche-t-on pas à sélectionner, habitude française par excellence, mais à faire progresser les étudiants. Le système de notation et d'appréciation parait en ce sens entièrement tourné vers la recherche de la motivation. Pour simplifier, on ne dit pas ce qui va mal mais uniquement ce qui va bien, exactement à l'image de l'éducation suédoise des jeunes enfants -qui méritera assurément quelques développements sur ce blog-. Je me souviens, au contraire, d'un article paru dans Le Monde il y a maintenant quelques mois, lequel affirmait que les jeunes étudiants français étaient les plus démotivés d'Europe. De profondes divergences en somme...


Pour le formuler plus subjectivement, en France la vie étudiante me paraissait s'arrêter pratiquement sur le seuil du campus. En Suède je ressens la même chose, mais en sens inverse.

De la qualité de vie à Lund.


Difficile de nier la qualité de vie par ici, à vivre dans une ville incroyablement jeune et dynamique, ancrée dans une modernité économique responsable. Quelques aperçus sur cette vidéo promotionnelle:



Pour précision, l'emballage montré au début de la vidéo est le fameux Tetra Pak, inventé à Lund. Le surnom de cette ville se traduit d'ailleurs par quelque chose comme La ville des idées, et sa créativité mythique est supposée irradier ses chanceux habitants. A voir.

25 août 2009

Malmö ou l'art du gratte-ciel tortellini .


Troisième ville de Suède en termes de population, après Stockholm et Göteborg, Malmö rayonne d'un cosmopolitisme vif. Elle donne le sentiment d'être toute orientée vers Copenhague, grande capitale économique du côté danois et située juste en face, un pont reliant efficacement les deux pays.


Plus symboliquement, un gratte-ciel marque son urbanisme, pourtant globalement peu élevé et relativement traditionnel. Il s'agit de la Turning Torso, apparemment la plus haute tour d'Europe vouée à l'habitation particulière si j'en crois Wikipédia, dominant la ville depuis ses 190 mètres. Conçue par l'architecte Santiago Calatrava Valls et érigée en 2005, elle est géométriquement très singulière: elle est construite sur un mode torsadé et non pas classiquement rectangulaire, façon Tortellini.


Par-delà ce sympathique spectacle, Malmö est aussi un lieu intéressant pour se divertir, qu'il s'agisse de loisirs nocturnes orientés vers le nightclubbing ou encore culturels, ainsi de son opéra. Depuis Lund la connexion par train est rapide, d'où certains étudiants y ont élu domicile. Si certains quartiers en banlieue souffrent d'une mauvaise réputation, le centre-ville est en tout cas très attractif. Les vélos y sont rois, comme partout en Suède semble-t-il.


Son site officiel répondra certainement à vos éventuelles questions pratiques.

24 août 2009

La discorde éthylique sur le sol suédois.


L'étudiant Erasmus moyen n'a, n'en déplaise aux âmes sensibles aux péripéties amoureuses, qu'une activité cardiaque pour l'essentiel orientée vers l'ivrognerie. Or la Suède n'est, disons-le très clairement, pas la meilleure des destinations pour exercer cet art raffiné. Non pas à raison d'une absence de produits de qualité, la vodka frelatée coupée à l'uranium étant une spécialité russe, mais parce que le system bolaget est votre pire ennemi.


Qu'est-ce donc que ce system bolaget? Il s'agit d'une chaine de magasins, propriété de l'Etat suédois, lequel détient le monopole de la vente d'alcool -à l'exception marginale de certains alcools extrêmement doux-. Acheter son alcool dans ces périlleux points de vente est réservé aux plus de 20 ans, pour commencer. Les contrôles d'identité sont donc un passagé obligé à la caisse, si par miracle vous avez pu entrer dans les maigres créneaux horaires d'ouverture -entre 10h du matin et 18h la plupart du temps-. Et surtout, les prix sont absolument astronomiques. Ainsi la vodka Absolut, produite par parenthèse en Scanie, coûte environ 23 euros la bouteille contre 13 ou 15 euros en France, me semble-t-il. Bref, à moins d'être financièrement très à l'aise, il va falloir songer à réduire sérieusement le budget cyrrhose du foie.


Aux désespérés qui pleureront de chagrin reste la solution à ne pas conseiller, celle du marché noir, lequel serait apparemment fort actif en Suède compte tenu des prix pratiqués sur le marché légal. Les suédois font clandestinement des liqueurs maison qu'ils revendent ensuite, d'après mes prolixes sources. Plus judicieusement, il faudra penser à faire ses achats au sortir de l'aéroport en zone duty free. Ou bien faire ses courses au Danemark, en Allemagne ou en Estonie si cela s'avère possible. Ou encore commencer d'arrêter sérieusement!

22 août 2009

Quelques éclaircissements sur l'obscure météorologie suédoise.


Aller à Lund c'est bien, mais quel temps fait-il dans cette région glaciale, envahie par les ours polaires et autres loups assoiffés de sang? Les étudiants Erasmus venus du sud, à la chair si subtile, seraient-ils dépecés et rôtis sur place par des brutes sanguinaires, rendues folles à lier par l'absence de lumière solaire lors des terribles hivers? Faudrait-il aller là-bas uniquement dans la perspective de s'enterrer et disparaitre, congelé à jamais par le blizzard?


A ces questions totalement dénuées d'exagération, autant apporter quelques réponses, de nature, précisons-le d'emblée, à rassurer -certains...-.


Le climat est océanique en Scanie, autrement dit ni continental ni, évidemment, polaire. Aussi a-t-on droit à quelque chose d'assez doux, même si la latitude n'aide pas à trouver du soleil.


Qu'est-ce que ça donne en pratique? Sur l'année 2008, la température moyenne annuelle est de 12 degrés, la température estivale moyenne -de mai à août- est de 20 degrés, la température hivernale -de novembre à février- moyenne de 4,5 degrés. 169 jours de pluie dans l'année seraient à déplorer. Les précipitations ne sont pas importantes, mais peuvent être régulières. La neige est rare à Lund, faute d'être suffisamment au nord de la planète. Et on m'a promis 4 heures de soleil par jour en hiver, contre 20 au coeur de l'été. Selon votre ville d'origine il y aura donc plus ou moins de différence avec les cieux de Lund...


Quoi qu'il en soit, le fameux proverbe suédois aidera en toute circonstance le voyageur égaré en Scandinavie. On peut le traduire à peu près de la façon suivante: Il n'y a pas de mauvais temps, il y a seulement des mauvais vêtements.