14 décembre 2009

En direct de Copenhague...


Vivre à Lund c'est aussi bien pour passer par la capitale danoise, et par ces temps-ci il pourrait ne pas vous avoir échappé qu'un certain sommet international y a lieu, assez tourmenté semble-t-il, qu'il s'agisse des mouvements de protestation à proprement parler ou des tensions diplomatiques entre groupes d'intérêts, pays en voie de développement, Union européenne, Chine et Etats-Unis en particulier.


J'ai manqué de peu la confrontation violente entre forces de l'ordre et manifestants en assistant, samedi, au mouvement collectif. Des casseurs se sont introduits dans la foule, et surgissaient à l'improviste pour démolir quelques malheureuses vitres, parait-il, avant que la police ne décide d'arrêter tous ceux qui étaient présents, avec 968 personnes interpellées notamment, si j'en crois le journal Le Monde. C'est ce qu'on appelle une ambiance chaleureuse.


Les slogans sont parfois très différents en danois, par exemple l'un deux était "Antikapitalista!" au lieu d'"Anticapitalisme!", ce qui montre bien la profonde diversité des idées politiques à travers le monde. Une bonne expérience linguistique en tout cas.


Souhaitons juste que le sommet ne s'achève pas dans l'apathie, les pays en voie de développement venant de se retirer des négociations, en signe de protestation, eu égard aux positions actuelles prises en ce qui les concerne -financement à horizon de trois ans seulement-. Expect the change, not the statu quo.

9 décembre 2009

Plaidoyer pour une semestrialisation réelle en France.


A observer le fonctionnement universitaire en Suède, une des différences frappantes tient à la semestrialisation, terme technique renvoyant non pas à un découpage de l'année académique en deux années tel qu'on le concevrait spontanément en France, mais à une organisation fondée sur une unité semestrielle, le semestre étant en gros la moitié d'une année normale.


Reprenons les choses pour être clair. Il y a encore peu de temps, avant 1998 et les négociations du processus de Bologne, aucune unité de mesure commune n'existait au plan de l'enseignement supérieur européen. Titulaire de sa maîtrise de droit des affaires, M.Dupont pouvait donc difficilement s'exporter dans un autre pays, ou en tout cas avec moins de facilité que dans un système harmonisé. Or c'est précisément l'intention des gouvernants dans la fin des années 1990: on souhaite une harmonisation européenne, exprimée en crédits européens -ECTS- et fondée sur l'unité semestrielle, dans l'espoir de développer mobilité et européanisation des études.


12 années plus tard, je remarque surtout qu'en France l'instauration du système est faite de travers. Pour le pire ou le meilleur sans doute: on préserve peut-être la difficulté qui est la nôtre et qui pare nos diplômes d'un certain prestige dans l'imaginaire collectif international, mais on va certainement contre une souplesse pratique qui me semble très souhaitable. Concrètement, quand un étudiant signe son inscription universitaire, il s'engage pour une année. Ceci parait absurde dans un système où l'unité est le semestre, il faudrait, dans un souci de cohérence, s'engager pour un seul semestre. Ici en Suède les étudiants s'inscrivent où ils veulent. Par exemple un semestre à étudier l'espagnol, puis un semestre l'anglais, puis ils décident de voyager un peu avant de reprendre un semestre d'anglais quelques mois ensuite, bref leur liberté est réelle. Pensons aussi au taux d'échec retentissant en première année, sans doute serait-il très bénéfique de prévoir une réorientation absolue et simple comme possibilité. Au pays de la pâtisserie sophistiquée, les études n'échappent pas à la complexité, avec par ricochet une pression accrue sur les épaules étudiantes. J'aurais personnellement envisagé très différemment mes études si j'avais eu l'opportunité, chaque semestre, de faire quelque chose de différent, sans pour autant nuire à la continuité de mon cursus. Mais j'ai poursuivi, tête dans le guidon, comme la plupart d'entre nous...


A saluer donc, ce genre d'argumentaire. Et à méditer en termes d'expatriation universitaire.

4 décembre 2009

Réalisme scandinave.


Il me parait assez significatif que l'école réaliste légale se soit largement développée en Suède. Pour ceux qui ne verraient pas de quoi il est ici question, il s'agit d'une approche philosophique du droit qui consiste à apprécier une certaine réalité, par opposition avec une approche positiviste. Cette dernière conduirait au contraire à envisager un système normatif en tant que tel, abstraction cohérente détachée des contingences tierces, telle que Kelsen l'a longuement traitée. L'approche réaliste, telle que construite par les sages d'Uppsala, est fondée sur le social, et est souvent nommée école du réalisme social. L'idée est qu'en substance il faut construire le droit pour et par l'objet social, la société détenant la vérité juridique si l'on veut. Ainsi, si la société juge collectivement que telle règle est obsolète, dès lors elle ne devrait pas subsister. Les juristes devraient en ce sens s'efforcer de correspondre à la volonté collective, et non pas se perdre dans la beauté de systèmes de droit éthérés.


Un courant bien connu et différent de ces deux là est le jus naturalisme. Dans cette conception, dite parfois "droitdelhommiste", on cherche également à refuser un positivisme juridique pur et dur en posant certaines valeurs comme fondamentales et inaltérables. Ainsi, un système de droit d'inspiration nazie serait acceptable au plan d'une logique positiviste, qui n'accepte qu'elle-même, tandis qu'il serait inadmissible dans un système qui aurait placé de prime abord des droits intangibles suprêmes. Cette conception permet également de contourner une difficulté inhérente au réalisme social: elle soustrait des valeurs trop contingentes, susceptibles de changer du jour au lendemain selon le bon vouloir de la masse, en les protégeant durablement. Mais cette qualité est aussi critiquable, puisqu'on peut toujours discuter à l'infini de la légitimité et de la cohérence à vouloir caractériser tel ou tel droit comme fondamental.


Au milieu de ces débats interminables, me voilà chargé d'écrire un mémoire sur Lundstedt et sa théorie à la lumière de Kant et Rawls, deux autres penseurs majeurs pour qui s'intéresse à la philosophie politique. J'exposerai certainement mes conclusions sur ce blog, au cas où ça puisse intéresser quelque âme en perdition conceptuelle.

Par parenthèse, le playboy en photo n'est autre que Hägerström lui-même, père spirituel du réalisme scandinave.