30 août 2009

Impressions françaises.


Une semaine de prérentrée faite à l'université de Lund, et me voici désormais dans la rentrée à proprement parler, avec ses cours magistraux parfois lourds, ses carences associatives, son manque patent de socialisation... A moins qu'il ne s'agisse là que du portrait de la plupart des universités françaises? En effet, mon ressenti suédois est largement différent.


Avant de démolir nonchalamment l'université française par un exercice d'éloge a contrario, il faudrait aussi relativiser par avance ces remarques. Notre modèle me parait spécifique à au moins deux égards.


D'une part, nous avons élaboré notre modèle d'enseignement supérieur sur une concurrence, pour le moins critiquable, entre les établissements universitaires et les grandes écoles. En Suède comme dans peut-être l'ensemble des autres pays du monde, le système des classes préparatoires n'existe pas et les universités "sont des grandes écoles", pour s'exprimer dans un langage franchouillard. Aussi faudrait-il idéalement intégrer grandes écoles et universités françaises pour comparer avec rigueur.


D'autre part, notre culture universitaire est profondément académique, au sens où elle met en exergue un savoir magistral, voué pour ainsi dire à l'absolution c'est-à-dire dépouillé de toute ambition connexe, notamment en termes de vie associative. Les universités sont au service du savoir, en particulier de la recherche, pas du bien-être des étudiants. C'est un choix contestable, et au demeurant pas aveuglément observé puisque la vie associative existe bien dans nos facultés, bien que ce soient dans des proportions risibles vues d'ici.


Enfin, et cette dernière dimension n'est pas anodine, la France consacre un budget dérisoire -comparativement parlant- à l'enseignement supérieur. En début 2009, d'après mes lectures des sites institutionnels, on y investit 1,3 pour cent du PIB, contre une moyenne à 1,5 pour cent dans l'OCDE. Et s'agissant d'une moyenne, il serait sans doute plus souhaitable de vouloir comparer avec les meilleurs, qui dépassent les 3 pour cent du PIB -Suède, Finlande, Corée, Japon, Etats-Unis me semble-t-il-. L'argent laisse donc à penser que l'on trouvera des systèmes de plus ou moins grande qualité.


En tout cas, le moins qu'on puisse dire c'est que l'université de Lund tranche avec ce que j'ai pu apprécier en France. Bien entendu, il faudrait là encore relativiser au nom de sa singularité. Il s'agit du campus le plus gigantesque de Suède en termes de population étudiante, aussi parait-il compréhensible que l'on y trouve une vie sociale et associative débordante. Mais sans doute est-ce là aussi le reflet des ambitions universitaires de ce pays.


Ce qui frappe d'emblée c'est la vitalité des opportunités sociales dans cette ville. Le nouvel étudiant a droit à bénéficier d'un système de tutorat d'ampleur, avec des dizaines de groupes d'accueuil constitués sur la base du volontariat. Il peut profiter des nations d'autre part, structures associatives étudiantes typiquement suédoises, à l'adhésion obligatoire pour les étudiants suédois, qui prennent en charge diverses activités -sport, théâtre, fêtes, cuisine... à peu près tout ce qu'il y a d'imaginable-. Ce sont ces nations qui distribuent l'équivalent de la carte étudiant, laquelle ouvre droit à divers avantages. Avoir rejoint une nation n'implique pas d'y être éternellement limité, autrement dit chaque titulaire d'une carte d'étudiant peut pleinement éprouver toutes les activités organisées par toutes les nations, quand bon lui semble. Enfin, des infrastructures tierces existent pour ceux qui auraient encore d'autres ambitions. En particulier l'Akademiska Föreningen ou Academic society, forme de conservatoire associatif estudiantin qui prend en charge à ce titre de multiples activités culturelles -théâtre, chorale, musique, ateliers littéraires...-. Toutes ces possibilités sont visuellement magnifiées par l'abondance humaine: où que l'on soit, les étudiants sont là, à perte de vue...


Un autre atout de l'université suédoise tient à ses capacités anglophones. Cela permet tout simplement aux étudiants d'y venir, alors que des enseignements exclusivement en suédois limiteraient terriblement son attractivité. L'université française est bien loin de cela. Sans doute y-a-il là aussi lieu à débattre, la langue française et sa majesté d'antan méritant selon certains plus d'attentions qu'une indigne soumission devant la langue de Shakespeare, alors que selon d'autres il s'agirait tout simplement d'une nécessité pragmatique, nullement contradictoire avec l'objectif légitime de préserver notre langue.


La modernité éclaire, par ailleurs, le système suédois d'un jour psychologique meilleur. Je ne saurais trop identifier les origines culturelles et politiques des relations individuelles en Suède, mais en revanche il n'est pas malaisé d'en percevoir la fluidité dans les rapports étudiants-professeurs. Alors que le modèle français concentre toute l'autorité dans les mains des professeurs, détenteurs absolus de la connaissance, le rapport suédois semble plutôt marcher dans un rapport d'égal à égal. Appeler les professeurs par leurs prénoms, les taquiner sur un point vestimentaire ou jouer dans le registre de l'humour, se rendre sans prévenir dans le bureau d'un professeur pour lui demander des informations, disposer de son email et de son numéro de téléphone personnel... Autant de choses qui sont absolument normales ici, et relèveraient plus de l'extraordinaire en France.


De la même façon, le système est pragmatiquement voué à la formation de ses usagers. Aussi ne cherche-t-on pas à sélectionner, habitude française par excellence, mais à faire progresser les étudiants. Le système de notation et d'appréciation parait en ce sens entièrement tourné vers la recherche de la motivation. Pour simplifier, on ne dit pas ce qui va mal mais uniquement ce qui va bien, exactement à l'image de l'éducation suédoise des jeunes enfants -qui méritera assurément quelques développements sur ce blog-. Je me souviens, au contraire, d'un article paru dans Le Monde il y a maintenant quelques mois, lequel affirmait que les jeunes étudiants français étaient les plus démotivés d'Europe. De profondes divergences en somme...


Pour le formuler plus subjectivement, en France la vie étudiante me paraissait s'arrêter pratiquement sur le seuil du campus. En Suède je ressens la même chose, mais en sens inverse.

1 commentaire:

  1. Je suis complètement d'accord... Je n'étais déjà pas fan du système français, mais là après juste une semaine de cours en Suède (je suis à Lund aussi cette année!) on voit vraiment que le rapport à l'éducation est différent.
    En tout cas je suis tombée sur ton blog un peu par hasard, mais je pense que je repasserai =). Là, il faut encore que je rejoigne une Nation, choix assez difficile ^^'.

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