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10 octobre 2009

The Erasmus meaning of life.


Ce programme d'échange européen né en 1987, dont je suis actuellement l'un des heureux bénéficiaires, intensifie bien plus que la stricte internationalisation des profils universitaires. Par-delà les bienfaits indéniables au plan de l'employabilité de tout un chacun, et sans compter les vertus linguistiques du projet, je crois qu'il y a encore mieux derrière tout cela. Quelque chose d'infiniment plus personnel et vital.


Je ne saurais mieux trouver que le film désormais classique L'Auberge Espagnole pour illustrer mon idée. Si je résume la trame de façon rudimentaire, c'est avant tout l'histoire d'un étudiant en économie, probablement sa licence presqu' achevée, en quête d'un travail et pour ce faire en quête de son employabilité personnelle. Or un conseil va lui être donné, s'il veut pouvoir travailler au MINEFI grâce à une relation: il faudrait qu'il parte à l'étranger de façon à présenter un profil intéressant du point de vue du service en question. L'étudiant part un an à Barcelone, y découvre la vie comme jamais auparavant, revient, décroche le job désiré. Et là tout d'un coup s'évanouit le projet professionnel sans doute trop fade pour faire tout voler en éclats. Notre héros plaque tout, conscient que tout ce la ne l'intéresse guère au fond, et souhaite renouer avec son rêve personnel: devenir écrivain.


Cyniquement commentée, on peut dire qu'il échappe au sort de nombre de ses semblables en peu ou prou la même posture, grâce à la révélation d'Erasmus. Beaucoup d'étudiants sont en économie et en droit, je crois qu'on peut l'admettre, et en tout cas certainement pour le niveau de la licence, sans aspiration propre. Ils sont là parce qu'il faut avoir un travail, parce que le droit ou l'économie c'est bien et ça forme, théoriquement, des cadres. Parmi eux, combien laisseront leur sensibilité au vestiaire? Abandonnant les arts et lettres, laissant projets sagement fous au placard pour leur préférer la rigueur d'une carrière linéairement tracée, ou du moins de la direction qu'elle apparait suivre. Heureusement, Erasmus vient là-dedans, salvateur coup de pied dans la fourmillière, et certains découvrent qu'il est encore temps de réaliser leurs passions, si chaotiques fussent-elles de prime abord.


Par-delà ce qu'il peut y avoir de naïf et caricatural dans ces propos, je crois qu'on peut en tout cas retirer une chose certaine de l'expérience Erasmus. Comme tranche de vie accordée à l'étranger, loin des habitudes nationales, elles transportent l'espace d'un semestre ou d'une année dans une sphère extraordinaire. L'esprit est en vacances, le monde apparait grand et accessible, les possibilités étendues, la richesse d'une jeunesse unique à préserver. Ce sentiment qui flotte chez nous, aérée communauté Erasmus, nous pousse à rejoindre notre part d'intime la plus affectionnée. Nous souhaitons reprendre ce que nous aimons, avant tout, et moins courber l'échine devant les critères attendus par quelque chemin rigidement préconçu. L'inspiration nous envahit, notre tolérance s'allonge pareillement à notre faculté d'adaptation, et le sourire s'affiche insolemment.


Evidemment, ce chant à la gloire de l'échange européen est à relativiser d'autres considérations diverses. Le financement notamment, qui peut apparaitre critiquable, mais qui constitue probablement le système le plus favorable au monde jamais conçu pour la mobilité étudiante. Matériellement parlant pour l'étudiant européen, une allocation est accordée automatiquement d'un montant d'environ 120 euros par mois de durée du séjour. A cela peut s'ajouter une aide nationale. En France cette aide peut être la bourse de mobilité, accordée aux boursiers sur critères sociaux et d'un montant de 400 euros environ par mois de séjour. Ou bien une bourse de mobilité pour les étudiants très méritants, d'un montant à peu près similaire. La possibilité d'être financé à hauteur de 520 euros par mois est donc certainement un point positif. Certains défauts viennent éroder la belle machine en ce domaine, il est vrai. Ainsi du versement des aides, au mois de... décembre (sic), pénalisant terriblement tous ceux incapables d'avancer l'argent les trois mois précédents. Mais l'ensemble demeure tout de même très satisfaisant à mes yeux, à songer aux dizaines de milliers de dollars ou de livres sterling de frais d'inscription qui constituent la réalité étudiante d'autres Etats.


Enfin, d'autres regrets viennent parfois ternir cet allègre tableau. Notamment... le fait que les étudiants n'en profitent pas assez, en tout cas pas autant qu'ils le pourraient, vu que les offres nationales demeurent toujours supérieures aux demandes de mobilité. Les récentes réformes du la ministre de l'Education ont d'ailleurs cherché à accroitre sa portée, tout comme le souhaitait le rapport conduit par Jacques Attali il y a maintenant quelque temps. Espérons qu'à terme nous soyons tous contaminés du virus de la bonne humeur.

2 septembre 2009

Le fer de lance associatif de l'université suédoise: la nation.


Les nations suédoises ne sont pas à comprendre au sens classique du mot nation, lequel renvoie alors à une communauté d'individus réunis par une volonté de vivre ensemble et objectivement liés par des critères culturels communs, politiquement unifiée. Les nations renvoient à une structure associative quasiment disparue de nos jours, à l'exception notable de la Suède, en date des temps médiévaux. Il s'agissait alors de groupements d'étudiants issus d'une même origine géographique.


A Lund, comme à Uppsala d'ailleurs, les nations demeurent vivantes, et cristallisent même la quasi-totalité de la vie associative étudiante. Treize nations différentes existent, aux noms géographiquement identifiables: Malmö Nation, Göteborg Nation, Kalmar Nation, ... Chacun de ces groupements est originairement issu de la ville qui constitue sa douce appelation, sans que cela ait grand sens maintenant.


En effet, tout étudiant est libre d'adhérer à n'importe quelle nation, quelle que soit son origine. Les nations sont désormais identifiables selon leurs activités spécifiques. L'une sera branchée musique House, une autre Indie, une autre Kultur... De plus, avoir sa carte dans une nation n'empêche en rien de profiter des activités organisées par les autres nations. A une exception notable il est vrai: Smalands Nation, nation extrêmement politisée et apparemment souvent décriée pour ses postures extrémistes. Sans pouvoir juger objectivement de ce qu'il en est, je peux en tout cas observer que l'accès à nombre de fêtes est refusé aux membres de cette association, concrètement marginalisée. Sans doute est-elle toutefois intéressante à qui s'intéresse de près à la gauche suédoise ou aux musiques indépendantes, qui relèvent de son domaine de prédilection.


Il me parait très significatif que le système suédois ait institué une obligation d'inscription à une nation en guise d'inscription à l'université. Autant il n'y a pas de frais universitaires pour les étudiants suédois, autant ils doivent choisir leur association et y régler leur cotisation semestrielle, laquelle n'est généralement pas très élevée, souvent dans les 40 euros. Par là, on dynamise résolument le caractère collectif de la vie étudiante, au lieu de l'individualiser. Cette approche me parait culturellement très scandinave.


Et comment choisir sa nation? C'est la question insoluble qui laisse songeur tout nouvel arrivant, tant la profusion associative semble noyer toute clarté. Quelques pistes existent sans doute, cependant, pour se décider. Ainsi, on peut déjà diviser le monde des nations entre les énormes structures pleines de milliers d'étudiants et les autres, bien plus modestes. Les premières sont peut-être plus adaptées aux amateurs de grandes fêtes dansantes, mais sont moins susceptibles de vous aider à construire un réseau social. En effet, si paradoxal que cela puisse paraitre, un groupement de dimensions modestes vous permettra de connaitre beaucoup plus de monde qu'un groupement énorme. On m'a dit peu de bien, par ailleurs, des plus grosses nations -Malmö et Göteborg me semble-t-il- car elles seraient posh, à l'ambiance snob autrement dit. Enfin, chaque nation dispose d'un site internet qui devrait aider quelque peu à se faire une idée. Pour ma part j'ai choisi Kalmar Nation, mon attrait pour la viande rouge du lundi soir étant particulièrement fort.


Une autre façon de développer son réseau social dans les nations consiste à y travailler. Aucune rémunération propre ne vous sera attribuée, mais vous connaitrez d'autres personnes et bénéficierez en général de l'équivalent d'une soirée gratuite. Par exemple vous aidez à faire la cuisine lors du repas du soir, et à l'issue de ce dernier le repas vous est précisément offert. Et puis si vous êtes français, il y a fort à parier que vous compreniez très bien la nourriture, talent qui fait sans doute défaut aux suédois.

30 août 2009

Impressions françaises.


Une semaine de prérentrée faite à l'université de Lund, et me voici désormais dans la rentrée à proprement parler, avec ses cours magistraux parfois lourds, ses carences associatives, son manque patent de socialisation... A moins qu'il ne s'agisse là que du portrait de la plupart des universités françaises? En effet, mon ressenti suédois est largement différent.


Avant de démolir nonchalamment l'université française par un exercice d'éloge a contrario, il faudrait aussi relativiser par avance ces remarques. Notre modèle me parait spécifique à au moins deux égards.


D'une part, nous avons élaboré notre modèle d'enseignement supérieur sur une concurrence, pour le moins critiquable, entre les établissements universitaires et les grandes écoles. En Suède comme dans peut-être l'ensemble des autres pays du monde, le système des classes préparatoires n'existe pas et les universités "sont des grandes écoles", pour s'exprimer dans un langage franchouillard. Aussi faudrait-il idéalement intégrer grandes écoles et universités françaises pour comparer avec rigueur.


D'autre part, notre culture universitaire est profondément académique, au sens où elle met en exergue un savoir magistral, voué pour ainsi dire à l'absolution c'est-à-dire dépouillé de toute ambition connexe, notamment en termes de vie associative. Les universités sont au service du savoir, en particulier de la recherche, pas du bien-être des étudiants. C'est un choix contestable, et au demeurant pas aveuglément observé puisque la vie associative existe bien dans nos facultés, bien que ce soient dans des proportions risibles vues d'ici.


Enfin, et cette dernière dimension n'est pas anodine, la France consacre un budget dérisoire -comparativement parlant- à l'enseignement supérieur. En début 2009, d'après mes lectures des sites institutionnels, on y investit 1,3 pour cent du PIB, contre une moyenne à 1,5 pour cent dans l'OCDE. Et s'agissant d'une moyenne, il serait sans doute plus souhaitable de vouloir comparer avec les meilleurs, qui dépassent les 3 pour cent du PIB -Suède, Finlande, Corée, Japon, Etats-Unis me semble-t-il-. L'argent laisse donc à penser que l'on trouvera des systèmes de plus ou moins grande qualité.


En tout cas, le moins qu'on puisse dire c'est que l'université de Lund tranche avec ce que j'ai pu apprécier en France. Bien entendu, il faudrait là encore relativiser au nom de sa singularité. Il s'agit du campus le plus gigantesque de Suède en termes de population étudiante, aussi parait-il compréhensible que l'on y trouve une vie sociale et associative débordante. Mais sans doute est-ce là aussi le reflet des ambitions universitaires de ce pays.


Ce qui frappe d'emblée c'est la vitalité des opportunités sociales dans cette ville. Le nouvel étudiant a droit à bénéficier d'un système de tutorat d'ampleur, avec des dizaines de groupes d'accueuil constitués sur la base du volontariat. Il peut profiter des nations d'autre part, structures associatives étudiantes typiquement suédoises, à l'adhésion obligatoire pour les étudiants suédois, qui prennent en charge diverses activités -sport, théâtre, fêtes, cuisine... à peu près tout ce qu'il y a d'imaginable-. Ce sont ces nations qui distribuent l'équivalent de la carte étudiant, laquelle ouvre droit à divers avantages. Avoir rejoint une nation n'implique pas d'y être éternellement limité, autrement dit chaque titulaire d'une carte d'étudiant peut pleinement éprouver toutes les activités organisées par toutes les nations, quand bon lui semble. Enfin, des infrastructures tierces existent pour ceux qui auraient encore d'autres ambitions. En particulier l'Akademiska Föreningen ou Academic society, forme de conservatoire associatif estudiantin qui prend en charge à ce titre de multiples activités culturelles -théâtre, chorale, musique, ateliers littéraires...-. Toutes ces possibilités sont visuellement magnifiées par l'abondance humaine: où que l'on soit, les étudiants sont là, à perte de vue...


Un autre atout de l'université suédoise tient à ses capacités anglophones. Cela permet tout simplement aux étudiants d'y venir, alors que des enseignements exclusivement en suédois limiteraient terriblement son attractivité. L'université française est bien loin de cela. Sans doute y-a-il là aussi lieu à débattre, la langue française et sa majesté d'antan méritant selon certains plus d'attentions qu'une indigne soumission devant la langue de Shakespeare, alors que selon d'autres il s'agirait tout simplement d'une nécessité pragmatique, nullement contradictoire avec l'objectif légitime de préserver notre langue.


La modernité éclaire, par ailleurs, le système suédois d'un jour psychologique meilleur. Je ne saurais trop identifier les origines culturelles et politiques des relations individuelles en Suède, mais en revanche il n'est pas malaisé d'en percevoir la fluidité dans les rapports étudiants-professeurs. Alors que le modèle français concentre toute l'autorité dans les mains des professeurs, détenteurs absolus de la connaissance, le rapport suédois semble plutôt marcher dans un rapport d'égal à égal. Appeler les professeurs par leurs prénoms, les taquiner sur un point vestimentaire ou jouer dans le registre de l'humour, se rendre sans prévenir dans le bureau d'un professeur pour lui demander des informations, disposer de son email et de son numéro de téléphone personnel... Autant de choses qui sont absolument normales ici, et relèveraient plus de l'extraordinaire en France.


De la même façon, le système est pragmatiquement voué à la formation de ses usagers. Aussi ne cherche-t-on pas à sélectionner, habitude française par excellence, mais à faire progresser les étudiants. Le système de notation et d'appréciation parait en ce sens entièrement tourné vers la recherche de la motivation. Pour simplifier, on ne dit pas ce qui va mal mais uniquement ce qui va bien, exactement à l'image de l'éducation suédoise des jeunes enfants -qui méritera assurément quelques développements sur ce blog-. Je me souviens, au contraire, d'un article paru dans Le Monde il y a maintenant quelques mois, lequel affirmait que les jeunes étudiants français étaient les plus démotivés d'Europe. De profondes divergences en somme...


Pour le formuler plus subjectivement, en France la vie étudiante me paraissait s'arrêter pratiquement sur le seuil du campus. En Suède je ressens la même chose, mais en sens inverse.

3 août 2009

Le programme CIEL en Suède.


Difficile de trouver des informations sur ce programme, pourtant intéressant. Pour le présenter simplement, il s'agit d'un système d'origine communautaire -donc lié au programme Erasmus-ayant vocation à enseigner des langues européennes peu pratiquées à des niveaux débutants et intermédiaires, de façon intensive, et généralement pendant l'été qui précède la rentrée universitaire dans le pays d'accueil. En version orginale ce sont les EILC courses, Erasmus-intensive-languages-courses.


Comment ça marche en pratique? Il faut candidater en remplissant quelques papiers, lesquels seront -théoriquement- transmis par l'université aux divers bureaux des relations internationales -BRI-. Aussi faut-il demander à son BRI voire l'informer de l'existence du programme CIEL, et attendre une réponse future, très souvent faite par courriel.


Et ensuite, comment ça se passe? Point de réponse univoque: les papiers vont suivre leur chemin, depuis l'université d'origine jusqu'au pays de destination, lequel organise de façon autonome les modalités des sessions de cours. Donc selon le pays et la ville en question cela peut varier largement. Pour ce qui est de l'université de Lund en 2009, et ceci de façon assez curieuse, aucune session CIEL n'y est prévue. Bien qu'étudiant dans cette université, ma candidature a été transmise à deux centres tiers, un à Göteborg et un à Karlskrona, et j'ai eu la chance d'être admis au deuxième.


Pour parler de Karlskrona, les cours y sont en effet assez complets, avec un apprentissage quotidien entre 9h30 et 15h, cinq jours par semaine. Le suédois nous est appris en petits groupes d'environ 22 personnes, et des activités complémentaires sont dynamiquement organisées -théâtre, visites à ambition culturelle, etc.-. Avec la fébrile atmosphère Erasmus, difficile de trouver du temps libre là-dedans...


Et combien ça coûte tout ça? Là encore, il est bien délicat d'arracher des informations précises et fiables quelque part. D'après ce que je comprends pour le moment, l'allocation Erasmus serait rallongée d'un mois -soit environ 120 euros en 2009- et serait, apparemment, complétée par une indemnité supplémentaire, d'un montant incroyablement énigmatique. En tout cas, le financement global de l'opération semble assez généreux, à considérer le coût réel des formations.


Pour ce qui est de Lund enfin, il parait d'autant précieux de suivre les cours CIEL que des cours annuels de suédois y sont dispensés, à l'accès limité tant la demande est forte. Des tests d'entrée viennent donc sélectionner les heureux élus, lesquels auront alors toutes leurs chances après trois impétueuses semaines de svenska.

20 juillet 2009

Pourquoi la Suède comme choix Erasmus?


A l'heure d'une mobilité étudiante largement promue, développée, reconnue et fantasmée, le choix de la destination peut laisser songeur l'étudiant, confronté à une offre le cas échéant pléthorique et armé de critères éventuellement peu réfléchis pour identifier la meilleure option. J'aimerais expliquer ici pourquoi, à mon sens, la Suède constitue un excellent choix.


A l'évidence, la force de l'imaginaire vient pervertir nos grilles d'analyses les plus rationnelles, et je ne veux prétendre réussir à m'en soustraire. Ce qui pousse des milliers d'étudiants européens à se concentrer en Espagne ou à prendre d'assaut l'île de Malte tient d'abord à l'image mentale du soleil, de la fiesta et de la joie de vivre. Tout comme, en ce qui concerne les pays nordiques, le cliché d'une blonde aux formes voluptueuses et aux méthodes de séduction offensives entraine une migration de mâles sudistes, dont les caractères mériteraient sans doute une étude ornithologique approfondie. Je vais cependant tenter de démontrer que ces mouvements ne sont pas strictement motivés par des considérations pusillanimes, en brandissant un triple alibi linguistique, qualititatif et culturel.


Vivre dans un pays de facto anglophone

J'estime que l'utilité première d'Erasmus est linguistique. Or, la plupart d'entre nous brûlons d'un désir d'anglais, langue des affaires et moyen de communication à peu près universel. On chercherait donc, dans cette perspective, à vivre dans un pays naturellement anglophone, d'où d'ailleurs une concurrence généralement très vive sur les destinations d'outre-manche. Mais la Suède est en ce sens une alternative séduisante. En effet, si la langue officielle est le suédois, l'anglais est connu de tous, et mille fois plus maîtrisé qu'en France. Que l'on interroge des passants de tout âge, il vous sera toujours répondu naturellement dans cette langue. Leur accent est généralement léger, et la communication quotidienne permet donc de faire vivre sa maîtrise du langage.

Par ailleurs, les établissements universitaires ont soif d'internationalisation et la mettent en pratique en maximisant les échanges avec les universités étrangères. Je vous invite à consulter des sites comme masterportal ou studyinsweden pour en apprécier l'ampleur. Des programmes de master ont été créés un peu partout, à vocation internationale et pleinement anglophones. Uppsala, Lund et la Stockholm School Of Economics sont peut-être les trois centres les plus célèbres de ce pays, et la proportion d'étudiants étrangers est forte. Cette internationalisation des effectifs étudiants a une conséquence pratique: comme étudiant d'échange, on est dans un milieu authentiquement international, où l'anglais est roi.


Profiter d'un système d'enseignement de haute qualité

Etudier en Suède est également synonyme de qualité de vie, pas seulement pour des raisons strictement socio-économiques, mais surtout parce que les infrastructures sont pensées et financées avec ambition. Les bibliothèques, les transports collectifs, le monde associatif, les principes de formation, les rapports aux professeurs... Tout ceci a été conçu et entretenu dans le but de rendre service aux étudiants, sans raideurs budgétaires à la française. Ainsi, alors même que les enseignements délivrés n'ont pas à pâlir dans les classements internationaux, les frais d'inscriptions sont nuls, il en coûtera 0 euros à l'étudiant désireux de s'inscrire en LLM en Suède, contre environ 4500 euros en Angleterre. Qu'on en juge avec les classements de www.topuniversities.com ; je crois que l'on pourrait multiplier les comparaisons éloquentes.


Jouir d' une culture démocratique intense

Erasmus est aussi l'occasion de découvrir et s'approprier une culture tierce, quand elle n'est pas l'unique refuge d'un alcoolisme nonchalant et d'une sexualité débridée. La Suède m'apparait lourde d'attractivité pour plusieurs raisons, à ce titre.

D'une part, la culture démocratique est fondamentalement enracinée dans ce pays. Je veux dire par là que le respect attaché à la parole de chaque individu, légitimement détenteur d'un regard particulier, est rigoureusement consacré. Manifestement, cette qualité se comprend d'abord par le sens de l'écoute. La politesse de l'interlocuteur suédois en rend compte. Ceci amène à prôner le collectif sur l'individuel, dans l'esprit du dialogue social.

D'autre part, et par prolongement logique, des institutions diverses se sont construites pour permettre la pratique démocratique. Du point de vue étudiant, les nations en sont particulièrement symboliques. Ces structures associatives, qui ressemblent à des sortes de syndicats-fraternités estudiantins et où l'adhésion est obligatoire pour les étudiants suédois, remplissent des rôles d'administration classiquement dévolus à des personnes privées dans des systèmes plus traditionnels. Ou encore, le droit du travail suédois est nettement moins légaliste que le droit du travail français, parce qu'un rôle éminent a été décerné aux partenaires sociaux dans le processus normatif. Ces ressorts techniques me semblent vraiment intéressants, et nul doute que j'en développerai certains aperçus sur ce blog à l'avenir.


Voilà des motifs officiels. Les motifs officieux pourraient quant à eux relever de la passion pour le saumon, fumé ou non, des aurores boréales pour le nord de la Suède, de la vigueur du rock'n'roll sur la scène musicale suédoise, de la proximité d'autres pays dignes de visites -Norvège, Finlande, Russie-, voire de la fascination pour les Victoria Silvstedt et leurs variantes masculines locales. Je vous recommanderais d'ailleurs, pour ces derniers, de ne pas en faire mention sur les lettres de motivation à destination de vos bureaux des relations internationales. Parait-il que ça fait moins sérieux.

27 juin 2009

Les sept vies d'Antoine Pavlovitch Gojiznov









Une nouvelle de plus, inspirée principalement par les mésaventures d'un vieil ami. Qu'il en soit ici remercié, et souhaitons-lui plus de malheurs à venir afin d'éveiller encore l'inspiration artistique.


Antoine Pavlovitch Gojiznov n’était pas du genre à se laisser démonter par les évènements. Sa vie professionnelle, tout juste née, avait confirmé une personnalité forte, apte à surmonter la pression nerveuse des environnements de la gestion d’entreprise. Pourtant, cette aptitude à la résolution des conflits quotidiens trouvait ses limites en un domaine assurément délicat depuis l’existence de l’humanité : celui des relations avec le sexe faible, qu’il nommait d’ailleurs lui-même le « sexe absurde ».

Au cours d’un repas, il se confia même à un de ses amis, à peu près en ces termes : « Tu sais, je commence à avoir de l’expérience en la matière… Je ne crois guère à la réussite stéréotypée que l’on sert à gogo dans ces superproductions hollywoodiennes. Longtemps je me suis fait rouler, mais c’est fini maintenant. Je pourrais même dire que j’ai ressuscité par sept fois. Comme dans cette mythologie égyptienne dont on nous bourrait la cervelle autrefois. Mais sentimentalement parlant je veux dire. » Il ponctua ces quelques mots énigmatiques d’une solide rasade de vin, comme pour en terminer avec un goût amer. Son interlocuteur lui demanda ce qu’il voulait bien entendre par là. En vérité, il avait simplement fait allusion à la richesse d’un passé personnel construit comme un empilement colossal d’échecs. Cette flamboyante collection de déroutes avait marqué sa manière d’appréhender les relations entre hommes et femmes, et son esprit méditait désormais tranquillement sur une Sainte-Hélène spéculative, selon sa propre image. L’ampleur des désastres ne purent qu’aviver l’intérêt de son compagnon, qui l’empressa aussitôt d’en développer les péripéties.

« Fort bien ! » s’exclama-t-il, avant de narrer ses sept vies.

« Tout a commencé au lycée. Comme tu vois, cela remonte… J’avais environ 18 ans à l’époque. Ce qui m’intéressait, c’était surtout le jeu vidéo, et plus marginalement le football. Les études m’occupaient bien sur. Mais globalement j’étais un garçon classique de cet âge là, du moins en ai-je un peu l’impression maintenant. C’est donc là dedans qu’est venue éclater ma 1ère vie. Nommons-là Natacha, ça me fait rire d’user de noms totalement sans rapports avec ces filles. De mémoire, je ne crois pas avoir été séduit par elle du premier coup. Mais rapidement en tout cas, j’en suis tombé pleinement amoureux, au sens passionné du terme, à supposer qu’il revête un quelconque sens. Je n’osais pas, bien sur, lui parler. Nous nous contentions de quelques rapports amicaux, et on restait dans nos groupes de part et d’autre, sans proximité particulière. Quand j’ai senti que c’était trop prenant pour ne pas tourner la page, j’ai décidé d’agir. Note bien qu’à cet âge là on est jeune encore… Alors, j’ai voulu lui exprimer la sincérité de mes sentiments. Au détour d’une conversation à thème historique, sur les camps de concentration d’ailleurs, j’ai réussi à lui glisser ma flamme. Je me souviens, ça avait été délicat d’introduire ça, l’air de rien, alors même qu’on décrivait les atrocités de l’holocauste et les ravages psychiques et psychologiques sur les victimes principales du conflit. Il a fallu une sorte d’acrobatie verbale pour enchainer depuis les techniques de torture, dont nous parlions, à la chaleur de l’amour que je lui portais. C’est vrai qu’avec du recul je me rends compte que ça manquait de panache. Enfin, tu sais ce que c’est, ces filles sont à la fois délicates et en plus n’entendent rien à la guerre. Tout est bon à s’offusquer et à se répandre en sensibleries ridicules et grotesques. D’ailleurs elle n’a rien compris à ma déclaration, est restée à me regarder les yeux écarquillés comme si j’étais un revenant. Elle a totalement ignoré la chose et a dit un truc du genre « Oui… C’est terrifiant quand même… » Et là j’ai mis du temps moi aussi à comprendre. J’ai cru qu’elle avait été terrorisée par ma déclaration, et en fin de compte elle a juste fait la sourde oreille et continué la conversation sur les traitements inhumains infligés aux prisonniers de guerre. Toujours est-il qu’à compter de cet épisode incroyable elle m’a évité, et c’est ainsi que ma 1ère vie sentimentale est morte. J’ai tourné la page pour de bon.

Du moins le croyais-je… Une année après, j’ai connu mon deuxième échec, un peu moins spectaculaire peut être, mais pittoresque. J’avais été affecté par ma première déroute. Par la force des choses, je suis tombé plus tard sur une jeune fille de ma promotion –en classe préparatoire alors- qui m’a paru, sur le moment, et tu sais comme on est naïf quand on est jeune, intéressante. Et puis j’étais un peu irrité, il faut bien l’avouer, par le défaut de succès que j’avais essuyé précédemment. C’est pour ça que j’ai pris la liberté de lui tourner autour, un peu comme un vautour si tu me passes l’expression. J’ai été assez loin avec elle. En fait, et je m’en rends compte avec bonne foi maintenant, j’ai fait des pieds et des mains pour lui plaire, quitte à lui raconter n’importe quoi. Et c’est ça qui, au final, a entrainé ma déchéance. Le problème, c’est que je ne me rendais pas compte de l’énormité de mes affabulations, et la réalité est venue parfois me jouer des tours… Par exemple, elle me croyait parfaitement bilingue en espagnol. J’avais prétendu être parti faire de longues excursions sauvages dans divers coins d’Amérique du sud, et avoir de la famille au Mexique. Pas par prétention hein, je ne veux pas que tu te fasses de mauvaise idée à mon sujet. Juste parce qu’elle était admirative vis-à-vis de tout ce qui relevait du genre hispanique ; les films d’Almodovar notamment. Donc j’ai pris la liberté de lui faire croire ça, et mal m’en a pris, quand un jour on a croisé un vrai espagnol… Dieu merci, elle était relativement crédule, j’ai pu lui faire croire que la différence entre espagnol castillan et mexicain était telle que je ne pouvais pas communiquer de façon basique avec lui. Mais ce qui a sonné la fin de ce petit bout de rêve, ça a été un autre mensonge, du même acabit si tu veux. J’avais prétendu être titulaire du permis de conduire et avoir un véhicule personnel. Tu sais ce que c’est, ce sont toutes les mêmes à cet âge là. Elles vendraient leurs mères pour pouvoir obtenir un petit ami qui puisse jouer les taxis. Or, et c’est là qu’il y a eu comme un hic, c’est que je n’avais ni permis ni véhicule. Que pouvais-je dire, la fois ou elle m’a presque ordonné de venir la chercher à la gare avec ma voiture ? Bien sur, si j’avais été raisonnable, j’aurais trouvé une excuse ou je lui aurais répondu négativement. Mais tu sais ce que c’est le dynamisme de la jeunesse. J’ai emprunté discrètement la voiture de mon père, croyant en mes chances. Après tout, j’avais eu quelques leçons de conduite. Mais si cet argument m’a convaincu, la réalité s’est avérée moins convaincante. Ni l’arbre dans lequel ma voiture est entrée en collision par quelque maladresse de trajectoire, ni le procès verbal humiliant dressé par les forces de l’ordre, ni les réprimandes inoubliables de mes parents n'ont pu conforter cette idée. Quant à cette demoiselle, je n’ai pas pu venir au rendez vous, naturellement. Elle a cru que j’avais eu un accident à cause d’un de ces malades qui roulent sur les routes sans avoir la maitrise de leurs véhicules, et ne m’en pas finalement pas voulu puisque ça lui a permis d’être ramenée par un autre voyou de mon âge, lequel a d’ailleurs été bientôt son compagnon officiel. C’est donc comme ça que s’est achevée ma deuxième vie…

Jusqu’ici, rien de très anormal me diras-tu. Erreurs de jeunesse. Mais un troisième évènement malheureux allait aggraver mes malheurs préconjugaux. Pourtant, cette fois ci, fort de mes expériences passées, tout avait débuté à merveille. Pas un seul mensonge n’a trahi notre communication. Nous nous entendions parfaitement. Je restais naturel avec elle, et elle me correspondait, on formait une espèce d’équilibre ensemble. Je ne dis pas qu’on était inséparables, mais on faisait un tas de choses en commun. Et on était souvent complémentaires. Elle aimait salir la vaisselle par exemple, et j’aimais la laver. Ou bien encore elle adorait insulter les joueurs de l’équipe adverse sur le terrain de football, et j’adorais moi-même concrétiser ses fantasmes par de violents tacles à hauteur de leurs tibias. Nous vivions donc en symbiose, et même maintenant il me parait étonnant que ça ait tout de même conduit au désastre. J’avais écarté le défaut de la mythomanie, ainsi que toute solennité hors de propos. Je m’apprêtais à lui dire la chose très simplement, au cours d’un repas, et j’étais intimement persuadé qu’elle me répondrait favorablement. Mais, et tu conviendras que le hasard fait parfois les choses de façon inattendue, alors même que je m’apprêtais à lui faire une révélation, elle m’interrompit à peu près de la sorte : « Ecoute, Antoine Pavlovitch… Je veux que tu m’écoutes attentivement… J’ai une révélation à te faire, et j’espère ne pas être trop solennelle en t’en faisant part. Ca nous concerne si profondément ! » En disant cela, elle était vraiment radieuse. Je l’étais moi aussi, car elle m’arrachait les mots de la bouche. J’allais signer le contrat de mariage que je pensais être dans sa poche, quand elle m’annonça la glorieuse nouvelle : elle venait de tomber amoureuse d’une fille, une jeune moldave venue récemment s’installer près de chez elle. Elle était tellement joyeuse et confiante en me racontant cela qu’elle ne prit pas garde au caractère livide que mes traits prirent soudainement, ni aux tressaillements de mes lèvres, totalement inhabituels. Elle savait, ajoutait-elle souriante, que j’étais quelqu’un de très tolérant et que l’homosexualité n’était pas de nature à me repousser. Nous resterions en ce sens amis, comme d’habitude, même si son amour allait immanquablement l’éloigner de moi. J’ai vécu la fin de ce repas comme Tantale et son supplice, et à chacun de ces sourires qui ne m’étaient pas destinés, je voyais se dessiner dans toute sa régularité un troisième échec du cœur.

Après avoir pris mes des distances et dégainé une certaine froideur, et une année s’étant écoulée, je suis entré en relation proche avec une parisienne. Quand je suis venu à la capitale, par conséquent. C’était quelqu’un de très attirant physiquement, même si, intellectuellement, elle me rappelait moins Einstein qu’un rat de laboratoire ayant subi plusieurs opérations expérimentales au niveau du cortex. Je n’ai pas pris la mesure de sa susceptibilité caractérielle lors de nos premières rencontres. C’est sans doute un tort, mais tu sais ce qu’est c’est la vigueur et la spontanéité de la jeunesse. Et puis j’étais encore pétri d’idéaux, il me fallait bien croire en quelque chose plutôt que plonger dans la Seine, un boulet attaché au cou. Nous avons communiqué plus ou moins langoureusement pendant quelques mois, et je croyais sincèrement qu’il adviendrait quelque chose de nous. Mais tu sais ce que c’est, la jeunesse et son impétueuse inconstance. Tout ceci est d’ailleurs lié à un vulgaire problème de téléphone mobile. Le mien m’avait quitté pour quelque obscure raison, et alors même que j’allais négocier avec mon opérateur téléphonique la fourniture d’un téléphone, au coût si possible inférieur à six années de salaire, je prévins tout malentendu avec ma moitié amicale. Autrement dit, pour ne pas qu’elle se fasse d’illusion sur mon silence, je lui envoyai un courriel pour lui expliquer l’arrêt technique qui me contraignait à rester coi. La malheureuse, toutefois, n’a visiblement pas cru bon de prendre à la lettre mes explications. Le plus drôle dans tout cela, c’est d’avoir découvert, environ deux semaines plus tard grâce à la bonté des services après vente de mon opérateur, un message vocal sur mon nouveau téléphone. Ou plutôt plusieurs. Le premier était assez étonnant, dans le style : elle m’invitait, « ce soir », à un rendez vous place Saint Michel. Elle évoquait les pistes innombrables que nous réservait cette soirée éventuellement mirifique. Restaurants, bars, cinéma, bain de minuit sous le pont Mirabeau, tout s’offrait à nous. Ce ton exceptionnellement tendre était synonyme d’aveu. Mais ce fut un peu refroidi par un deuxième message, au ton particulièrement en rupture avec son prédécesseur. Sur un ton extrêmement sec, elle m’expliquait que faire attendre sous la pluie place Saint Michel n’était pas du tout conforme à son idéal du gentleman, qu’elle avait pourtant imaginé faire de belles choses ensemble, que je l’avais cruellement déçue, et qu’il était inutile de la rappeler, sa voix se déformant alors en un ultime sanglot. Ces deux messages dataient évidemment de douze jours en arrière. Elle avait donc interprété mon absence de rappel comme la confirmation de ma personnalité abjecte. Ne ris pas, je t’assure que j’étais fou de rage. J’ai bien essayé de la rappeler. Elle a commencé par ignorer mes appels, et finalement a décroché pour me couper la parole et m’insulter, avant qu’un claquement sec ne vienne signer la fin de ma quatrième vie sentimentale.

Cet épisode aurait surement du apaiser mes velléités, je te le concède volontiers. Pourtant, j’ai récidivé quelques mois plus tard, après avoir découvert Lolita. Ce n’est pas son nom, mais ça lui va bien je crois. Cette fille ne laissait pas indifférents les garçons avec qui elle pouvait communiquer. Je ne le savais pas encore quand notre relation n’était que balbutiante. Nous avons eu rapidement un contact de proximité, au sens qu’elle semblait partager très bien mes points de vue. Ca a nourri un rapport d’intimité très cordial. Et c’est aussi une personne assez tendre. Quand elle dit bonjour, elle se penche vers toi d’une façon telle que c’est tout juste si elle ne t’enlace pas langoureusement. Après avoir développé nos échanges verbaux, j’ai commencé à avoir quelques doutes. Vois-tu, quand quelqu’un épouse trop absolument tes idées, y compris quand tu dirais blanc à l’instant a et noir à l’instant b, tu finis par songer aux concepts de volatilité des personnalités, d’esprits poreux, d’évanescence de l’être pensant, et tout ce qui s’ensuit. Si j’avais été cruel, je l’aurais alors dépeinte comme une forme d’amabilité complètement creuse. Mais sans doute voulais-je lui accorder le bénéfice du doute. Quelques rencontres ont, hélas, fortifié ce soupçon. Elle aurait opiné à n’importe quel avis sur n’importe quel sujet sans la moindre hésitation. On aurait pu affirmer devant elle le féminisme le plus intransigeant, avant de revendiquer des postures empreintes d’un machisme terrifiant : elle aurait toujours suivi le flux des idées sans broncher, exactement comme ces bûches de bois agitées par les courants, tantôt dans un sens tantôt dans un autre. Ce constat m’a un peu démotivé, dans la mesure où je rêvais davantage de conversations argumentées, et si je ne niais pas l’utilité d’une telle capacité caméléonesque, la vacuité spirituelle qu’elle impliquait me déplaisait largement. Avec l’habitude toutefois, j’en suis venu à prendre acte de la chose. Ce fatalisme s’est accru aussi parce que sa tendresse semblait également croitre. Nous allions former un couple, cela allait de soi. Des signes sont malheureusement apparus dans un sens tout à fait contraire. Non pas qu’elle ait cessé de m’apprécier, là n’est pas la question. Mais d’autres énergumènes sont entrés dans la ronde, et elle ressentait à l’égard de n’importe quel individu de sexe masculin la même compréhension systématique et démesurée, le même élan affectif. Au point qu’une sorte de chasse à la poule s’était ouverte, je crois qu’on ne peut pas dire les choses autrement. Chacun essayait d’en obtenir profit, et elle souriait à tous, laissant suggérer des merveilles par ci par là. Il m’a fallu guerroyer un peu pour garder une sorte de privilège, jusqu’à ce qu’entre en scène un certain Cyril Greyne, que tu connais peut être. Une sorte d’irlandais sorti tout droit d’une grotte, à mon humble avis. Je me suis demandé s’il connaissait autre chose que le rugby gaëlique la première fois ou il lui a été présenté, et qu’il s’est grossièrement permis de la regarder d’un air d’enfant affamé lâché dans une boulangerie. Le pire dans tout ça, c’est qu’il s’est montré tellement entreprenant avec elle qu’il a fini par être lourd. Ainsi, lors d’un week-end ou la promotion a voyagé, et alors qu’elle et moi devions dormir dans la même chambre, ses stratégies odieuses, prolongées par la bonté béate de Lolita, ont conduit à une situation paradoxale où ils ont décidé de partager le lit pendant que je dormirais sur le canapé de la même pièce. Tu peux l’imaginer, ça ne m’a plu qu’à moitié. En fait, j’ai même été animé d’une irritation terrible, et j’ai tout fait pour occuper leur espace mental à chaque seconde. J’ai parlé de tout et n’importe quoi pendant des heures, en dissertant sur les cycles du soleil, les variations de températures par rapport à l’altitude, la qualité du bois comme isolant dans la montagne, la dureté du métier de cycliste, la vitalité du ski comme discipline de compétition, ou encore le fait que le temps semble passer incroyablement vite parfois. S’ils observaient un silence poli au début, voire répondaient timidement, ils ont assez vite choisi les reproches. Selon eux, je bavardais beaucoup trop en une heure incongrue, et je crois même sincèrement qu’ils voulurent réellement dormir à la fin, tant mes vociférations continues les épuisaient. Nous avons passé une nuit pratiquement blanche d’ailleurs. Mon honneur était sauf quant à lui, et c’est avec sarcasme que j’accueillis ses insultes plus tard. J’avais selon lui saboté délibérément toutes ses chances par pure jalousie. Peu m’importait à vrai dire, tout ce que je souhaitais c’était préserver mon ego. Et puis ceci n’a eu guère d’importance vu le dénouement de l’histoire. Elle a été plus ou moins violée par un autre garçon arrivé brutalement, et a eu assez de docilité pour répéter qu’il s’agissait d’une histoire choisie et sérieuse. En tout état de cause, j’ai été tellement dégouté par ce festival de volatilité que j’ai tourné la page. L’amertume n’allait pourtant pas m’épargner une cinquième histoire malheureuse.

Si l’expérience précédente avait renforcé mon sens de la défiance, je demeurais aliéné par ces réflexes naturels qui nous conduisent à rechercher la douceur d’une compagnie. J’ai succombé un an plus tard, étudiant un peu plus expérimenté, avec une fille d’une beauté sidérante. C’est elle qui m’est pour ainsi dire rentrée dedans, un beau jour, en prétextant quelque alibi futile pour engager une conversation intéressé. Elle avait l’air de jouer franc jeu, même si sa méthode forte me rappelait désagréablement la vigueur avec laquelle certains pêcheurs jettent d’énormes filets sur de gros poissons isolés. Je dois dire, en revanche, que son caractère fort avait quelque chose d’extrêmement plaisant. Et cela d’autant par contraste avec l’effacement de Lolita. Nous avons occupé plusieurs de nos soirées ensemble, par la suite. Elle souhaitait me découvrir plus avant de commencer une relation, éventuellement. Connais-tu le Ritz à Paris ? C’est là que nous sommes allés manger, bien que la découverte des tarifs m’ait un peu coupé l’appétit, je le reconnais. Mais je me consolais intérieurement, pensant qu’il y avait là la contrepartie nécessaire du plaisir. Le lendemain nous avons loué une berline luxueuse, après qu’elle ait longuement vanté les mérites extraordinaires d’une promenade dans semblable carrosse. J’ai trouvé cela, naturellement, un peu excessif, mais tu sais comment sont les jeunes filles de nos jours, ambitieuses et attirées par le clinquant. Une deuxième journée très festive pour mon banquier s’est donc déroulée. Le problème, c’est qu’au bout de huit jours de ce train de vie royal elle n’éprouvait apparemment aucune envie de revenir à un style de vie classique, ni, manifestement, que nous fussions ensemble. Pour ma part, je n’osais même plus dormir chez moi de peur qu’un huissier ne m’y attende furieusement, saisissant montre, lunettes et vêtements pour éponger une partie des créances. J’aurais pu, je pense, surmonter ces difficultés, si elle n’avait pas, au fil des jours, accentué ses exigences. Non, ne te méprends pas, elle n’a pas cherché des endroits plus onéreux –lesquels, de toute façon ?-. Mais elle avait un regard assez capricieux sur le service, les aliments, la vitesse, ou tout élément qui puisse être critiquable. Elle a ainsi fait un scandale chez un des plus grands noms de la cuisine française. Les épices manquaient incroyablement de fraîcheur, hurlait-elle, tandis que j’essayais d’éviter que les services de sécurité ne se précipitent sur elle pour neutraliser cette source de bruit dévastatrice. Nous sommes partis sans manger le repas, que j’ai tout de même dû payer de ma poche, à vrai dire. Et je te passe nombre d’histoires similaires. On n’aurait pas pu lui reprocher de manquer de goût, c’est certain. Son degré d’exigence a culminé à des altitudes étouffantes, et c’est étouffé par cette constance dans l’excès que j’ai commencé à m’en détacher. Remarque, c’est ma relation avec mon banquier qui s’est faite de plus en plus intime, au fur et à mesure. Jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un jeune dindon du 16ème arrondissement, dont la farce devait être meilleure que la mienne puisqu’elle s’est détournée de moi pour le plumer à son tour. Une sixième défaite, en somme…

Au terme de ces aventures, ô combien enrichissantes, je suis finalement tombé sur une fille parfaite. Si si, je t’assure, je pèse mes mots, et avec tout ce que je t’ai raconté tu te doutes que je n’idéalise pas le genre féminin. Elle cumule toutes les qualités imaginables, c’est saisissant. Non seulement socialement, elle sait communiquer avec intérêt mais sans lourdeur, avec légèreté mais sans frivolité, que physiquement, avec une allure rappelant bien les naïades de la mythologie grecque, un visage d’ange sur une tête bien pleine. Ni hautaine, ni idiote. Quelqu’un de quasi-magique. Et entre nous il n’y a pas eu de coup de foudre, mais une sorte d’harmonie spontanée. Comme s’il suffisait que l’un articule la première syllabe d’un mot pour que l’autre, en écho, y ajoute la deuxième, en un exercice fascinant d’unité. Nous partageons le même regard sur l’actualité, religieuse, sportive, politique, historique. On apprécie la même nourriture, et on a les mêmes conceptions des coûts de la vie et des tracas du quotidien. Mon double au féminin, si tu veux. Je n’en suis pas revenu, après avoir réalisé ça… Tu dois te demander pourquoi ça a encore achoppé, en démarrant si magnifiquement. Eh ! Bien, au risque de t’étonner, c’est moi l’unique cause de la rupture dans ce qui aurait pu naitre. J’ai déployé une cruauté très ingénieuse : après l’avoir invitée en bonne et due forme dans un lieu aux accents romantiques, j’ai très simplement et violemment rompu tout contact avec elle. Je ne sais pas combien de temps elle a attendu sur ce banc public, et je m’en moque éperdument. Elle a pu tenter de me joindre sur mon numéro de portable, que j’ai délibérément résilié. Ou sur mon ancienne adresse email, également supprimée de la surface du monde numérique. Toute possibilité de contact avec moi a été proprement dynamitée par mes soins, et tu sais à quel point les jeunes que nous sommes savent se donner du mal, quand il le faut. Ne fronce donc pas les sourcils, ce n’est pas folie de ma part. J’ai juste voulu leur rappeler que tout n’est pas permis en ce bas monde, et si elles se croient réservées une sorte de privilège exclusif dans le rejet de l’autre sexe, elles sont terriblement dans l’erreur. Si tu savais combien j’ai jubilé d’avoir réalisé ce grand coup. C’est cette septième vie qui m’a été fatalement bénéfique, en démontrant la persistance de nos personnalités. Elles peuvent faire usage de toute l’irrationalité dont elles sont fantastiquement capables, peu m’importe désormais ! Vois-tu, j’ai envie de conclure sur tout ceci que c’est une leçon de parité qu’il m’a été donné lieu de recevoir, mais surtout de dispenser, et sur un domaine lourd d’enjeux : l’égalité sexuelle dans le droit à l’absurdité. »

20 juin 2009

Un pas de géant vers l'Erasmunité.

Première photographie de Scanie -Skåne- sur ce blog. Cette province était danoise avant 1658, et est porteuse de paysages ruraux dans l'imaginaire collectif, surtout faits de champs de maïs et de colza sous fond de cieux bleus nuagoelineux -ce dernier mot n'existe pas dans le dictionnaire mais correspondait trop bien à l'idée ici pour ne pas être utilisé-. La photographie est en ce sens assez représentative. Notez qu'on y court sans problème, si l'allergie des foins ne vous a pas retiré votre dernier souffle avant même la première foulée. Je suis convaincu qu'on pourrait y tourner de grands films historiques ancrés dans une période médiévale, façon Barry Lyndon, ou bien encore y perdre aisément une pièce de 10 centimes -si par hasard vous en trouviez une dans les parages, je vous prierais de bien vouloir m'en aviser-.

15 juin 2009

Baptême de blog.


Admis pour une année d'études à la faculté de droit de Lund, près de Malmö c'est à dire dans le sud de la Suède, j'ai décidé de créer ce journal afin d'en rendre compte. D'abord pour me faire plaisir. Ensuite pour éclairer tous ceux qui seraient intéressés par la ville, amis, touristes, curieux ou étudiants Erasmus en devenir.


A l'instant où j'écris, je n'ai pas encore foulé le sol de la Scanie. Mais j'ouvre joyeusement ce blog, les pieds français tous projetés mentalement vers la terre d'Ingrid Bergman: Qu'une bouteille de champagne vole en éclats sur cet écran!


A bientôt chèr(e) lecteur(ice).


L.G.