5 octobre 2009

La proximité des distants suédois.


Le cliché de l'individu nordique par excellence le voudrait pratiquement muet, animé d'une inanimée expressivité, inanité d'expression inhumainement inexpressive si l'on veut. Sans doute y a-t-il du vrai là-dedans, à les considérer par contraste avec les comportements culturels qui sont les nôtres, et en particuliers ceux du sud, prompts à l'exubérance. Sans doute est-ce plus vrai encore à voyager vers le nord de la Suède. On raconte, en substance, que ceux du sud -en Scanie par conséquent- sont plus extravertis qu'au nord -Silencieuse Laponie!- , et le degré de sociabilité serait inversement proportionnel à la hauteur septentrionale pour schématiser.


Pourtant, à se pencher sur le langage suédois et l'état des rapports interindividuels de ce pays, je perçois, assez curieusement, un degré unique de proximité dans la société. Il n'y a, par exemple, aucune forme de vouvoiement telle que nous la connaissons, le tutoiement étant d'usage universel. On tutoiera ainsi son patron, son professeur, un homme politique... Il existait un vouvoiement en suédois mais il a été presqu'effacé et n'est aujourd'hui qu'exclusivement réservé à la famille royale, m'ont raconté les autochtones. De la même manière, les titres de politesse se sont évanouis des conventions du langage il y a maintenant plusieurs décennies -à l'exception, me semble-t-il, des discussions avec le roi de Suède-. Il faudra donc toujours s'adresser aux gens en utilisant leurs prénoms. Cet exercice peut paraitre étonnant d'un point de vue latin, habitué à s'adresser à des détenteurs d'autorité très formellement protégés. Oublions donc "Monsieur le Professeur Jean-Paul de la Françiseraie" au bénéfice d'un "Jean-Paul", pour prendre un exemple fictif. Cette proximité linguistique se retrouve dans les pratiques au quotidien par ailleurs. Attendre dans un magasin impliquera certainement que l'on vous y propose un café. Le formalisme public est ainsi réduit à peau de chagrin, au profit de la plus grande des simplicités.


Subjectivement, j'ai le sentiment que cet état des choses dénote d'une grande modernité dans les relations humaines. On peut aussi regretter ce qui révèle peut-être un appauvrissement du langage, la raréfaction des formalismes pouvant être le reflet d'une perdition syntaxique plus générale. Mais j'y verrais davantage, avec bienveillance, la traduction d'une culture sociale profondément démocrate, profondément attachée l'égalitarisme dans la parole, sans distinction de statuts d'aucune sorte. Bonne chose, non?

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