18 juillet 2009

Les pirates suédois vogueraient vers la légalité.

Le site The Pirate Bay, aux serveurs hébergés en Suède et à l'audience phénoménale parmi les adeptes du peer-to-peer, serait sur la voie paradoxale de la légalité.


Pour rappel, il s'agit grosso modo d'un annuaire gigantesque référençant des adresses bittorent, soit pour le dire plus simplement des liens vers des fichiers mis en accès commun par leurs détenteurs. Autrement dit, utiliser ce site permet à quiconque de rechercher et télécharger un fichier partagé. Ce fonctionnement n'a en soi rien d'illicite, mais dès lors que des données informatiques protégées par le droit de la propriété intellectuelle sont diffusées, et c'est en pratique le cas avec des téléchargements fréquents de films et morceaux musicaux, alors des questions légales surgissent.


Et elles se posent avec d'autant d'acuité qu'elles sous-tendent de lourds enjeux. Ces débats s'enflamment régulièrement, et pas seulement au sein des assemblées parlementaires. Les producteurs de biens intellectuels soulignent les dangers du point de vue de la création artistique et des équilibres économiques de leurs industries. Les utilisateurs revendiquent leurs droits à profiter d'un vaste marché du bien accessible gratuitement, et affirment parfois l'impact nul de leur pratique de téléchargement sur leur pratique commerciale de consommation. Les artistes se désolent quant à leurs rémunérations évanouies, ou bien parfois se félicitent d'un changement des interfaces avec le public, par la grâce duquel l'artiste deviendrait directement producteur. Certains avancent le défaut d'offre légale comme défaut majeur. D'autres préconisent la pénalisation absolue des procédés de partage de fichiers, au nom de la préservation de l'art. Des problèmes techniques viennent encore rendre plus complexe l'appréhension du peer-to-peer, notamment parce qu'il est très délicat de surveiller des dizaines de millions de connexions simultanées, ou encore du fait des régimes de protection de la vie privée, qui empêchent souvent d'identifier les internautes fautifs. Cette jungle des paramètres vient donc enrichir lourdement la tâche du législateur, et les travaux préparatoires sur loi HADOPI l'illustrent bien.


En Suède, le débat a fait rage, bien que cette dernière s'y soit sans doute exprimée de façon nettement plus courtoise qu'au pays d'Astérix. Deux évènements importants se sont produits récemment. Au premier avril 2009, une nouvelle loi est entrée en vigueur, et permet dorénavant que soient transmises les identités d'internautes coupables de téléchargement. Auparavant ce n'était pas possible, le droit à la vie privée garantissant l'anonymat. Cette mesure a eu un impact fort sur la consommation suédoise, d'après les journaux. Je ne sais pas du tout en quoi consiste son volet répressif, en revanche. Ensuite, le procès du site The Pirate Bay s'est déroulé entre le 16 février et le 4 mars 2009. Une première décision est venue condamner les quatre adminisrateurs du site, avant qu'un appel ne vienne confirmer cette position, le 25 juin 2009. Un recours devrait être introduit à la fois devant la Högsta domstolen suédoise, correspondant judiciaire de notre Cour de cassation, et devant la Cour européenne des droits de l'homme. En tout état de cause, ces décisions sont venues sonner le glas médiatique du modèle utilisé par ses fondateurs, et la baie pirate est désormais détenue par une société des NTIC -Global Gaming Factory X-.


Le nouveau propriétaire doit donc reconsidérer les modalités de fonctionnement. Cette légalisation, qui n'est pas sans rappeler l'histoire de Napster il y a quelques années, pourrait se solder par un système d'abonnement paiement, où chaque utilisateur aurait accès à des données sous cette condition. Une forme d'Itunes amplifié, en quelque sorte. Les nouveaux responsables essaient actuellement de négocier avec les opérateurs intéressés un nouveau mode de fonctionnement. Je serais personnellement surpris qu'une multitude d'accords puisse soudainement germer, car l'encadrement financier de cette économie du partage me semble bien trop difficile à réaliser. De plus, l'industrie du cinéma m'a paru si férocement combative que je l'imagine mal approuver tout à coup l'établissement d'un tel montage.


En l'attente d'un compromis technique en finissant avec ces tensions, le franc succès du Parti pirate suédois témoigne par ici de l'intérêt collectif pour la chose: 7,1 pour cent et un député au Parlement européen lors des élections de juin... Outre-tombe, Khayr ad-Din Barberousse doit jubiler.

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